Objet d'étude : L’argumentation : convaincre, persuader et délibérer
Problématique : ''Regardez comme on vous parle'' Dans quelle mesure la dystopie (SF), argumente au service d'une vision de l'homme et du monde...
La langue de bois :
I - Définition
Langue de bois : La langue de bois porte l'auto-censure, elle est mensonge, elle sert à "habiller la réalité avec des mots qui rendent la réalité plus acceptable" (Christian Delporte).
"La langue de bois (appelée parfois humoristiquement xyloglossie, du grec xylon : bois et glossos : langue) est une figure de rhétorique
consistant à détourner la réalité par les mots." (Wikipédia)
("langue de béton" en Allemagne, "langue de plomb" en Chine)
Dans son usage "social" elle n'est (malheureusement !) pas sensée être humoristique mais... argumentative :
"C'est une forme d'expression qui, notamment en matière politique, sert à dissimuler un manque d'informations précises sur un événement ou un projet,
en proclamant des banalités soit abstraites et pompeuses, soit en jouant sur les sentiments ou les peurs plus que sur les faits." (Wikipédia).
Aujourd'hui elle se cache derrière des formules très simples, des mots de tous les jours, des "paroles de proximité" (C. Delporte) afin d'être entendu et de créer
un consensus. Ces expressions ont fondamentalement du sens, mais celui-ci se perd dans la répétiton de la formule :
"croissance négative", "moraliser le capitalisme", "demadeur d'emplois", "ouverture à la concurrence", "capital humain,
"chaque région gagnée constituera une victoire" (Xavier Bertrand - 12/2009)...
La langue de bois répond aussi à la nécessité d'occuper l'espace médiatique : dans cette obligation de parler (exigeance démocratique), elle sert à se protéger en énonçant un discours
consensuel, non contradictoire : on entend "des phrases répétées en amont" puis données aux médias afin d'entendre la voix unique de l'entente nécessaire du "parti" qui la véhicule.
Mais, elle peut encore être utilisée pour manipuler un auditoire (démagogie) en parlant pour ne rien dire tout en faisant croire à une maîtrise du sujet,
ou diplomatiquement, servir à adoucir des propos (euphémisation, langue de coton)...
Dangereuse, elle peut, sans en avoir l'air, imposer une idéologie (novlangue, sovietlangue ou "langue de chêne") par un choix rigoureux des mots
et en affirmant surtout un "parler vrai". Elle sert à masquer la réalité par une parole unique afin de prendre possession du cerveau de l'auditoire, comme dans un slogan publicitaire.
Elle sert à forger une pensée, à unifier et ménager l'opinion publique en passant par le chemein du consensuel, le facile à penser, le "prêt à penser".
La langue de bois semble poser le fait qu'il existerait, en contre-partie, une "langue authentique". Mais est-ce si simple ?
Si l'on veut "réduire en copeaux" (Th. Legrand) la langue de bois avec un interlocuteur xyloglotte, la tâche ne va pas être facile : cela impose d'entrer dans un débat chronophage
et... xyloglossesque.
II - Grammaire de la langue de bois (conception) :
"C'est un plan qui doit faire toute leur place à nos grands aînés, on se doit de répondre au défit du vieillissement.
Je n'oublie pas non plus les jeunes mères qui ont fait le choix de travailler..." (Gérard Larcher cité par Martine Chosson, ouvrage cité p. 127)
Un exemple simple en guise d'illustration (les ingrédients fonctionnels) :
- Appellatif - "Madame, Monsieur, (accroche)
- Principale énonciative - "je vous affirme, en toute sincérité," (prédication, modalisation)
- Subordination - "que l'explicitation fonctionnelle de la langue de bois ne devrait pas" (thématique)
+ complétive infinitive - "manquer d'aboutir à " (projet fictif : savonnage 1)
+ objet de l'infinitif - "la réalisation d'un parler authentique." (projet fictif : savonnage 2)
Pour faire accroire, étoffons notre xylogorrhée en ajoutant encore des expansions à l'aide de qualificatifs vides, de relatives creuses, de compléments (de nom ou d'adjectif) figés, de formes passives, de formules verbales incantatoires mais vagues,
d'euphémismes grandioses et autres oxymorons évocateurs...
Avec 10 propositions différentes pour ces 5 catégories on obtiendrait 105 phrases... vides de sens, mais qui peuvent (malheureusemnt) faire illusion.
Comprenons, à chaque principale (au nombre de 51) on peut faire correspondre 51 appellatifs différents, il y a donc
51 2 soit 2.601
combinaisons différentes ; en y joignant la subordination il y aura donc 51 3 soit
132.651 possibilités...
Pour imiter R. Queneau (préface de Cent mille milliards de poèmes) dans son calcul, "en comptant 30 secondes pour lire une combinaison à raison de 8 heures par jour, 200 jours par an, on a pour environ
18 siècles de lecture" inutile... et de discours politiques pas plus utiles.
CQFD, frimons, esbroufons, donnons notre avis sur tout et rien ou ''affirmons pour ne rien dire''
515 fois dans l'exemple ci-dessous (345.025.251 possibles) :
- ceci change à chaque rafraîchissement de la page -
Principale énonciative
Appellatif
Subordination (noyau) :
complétive infinitive
objet de l’infinitif
C'est parce que j'ai des idées et que je veux les défendre que je peux assurer,
mes chers amis, Mesdames et Messieurs
que nous sommes au bord du précipice. Et que nous le ferons ce pas en avant, pour
mettre en place
les axes de la résolution des problématiques pour lesquels vous m'avez élu.
Et vous y croyez vous ? ''Regardez comme on vous parle...''
Ajoutons un second paragraphe et nous aurons un discours sur 51 10 (119.042.423.827.613.000 possibles)
III - Webographie :
(Liens internes)
xylogorrhée (Ph. Misandeau, 5110 soit : 119.042.423.827.613.000 possibles)
Parlez-vous la langue de bois de Martine Chosson (Édition Points - Le goût des mots - 2007)
Une histoire de la Langue de bois - De Lénine à Sarkozy Christian Delporte (Édition Flammarion - 2009)