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Autobiographie (L)

Objet d'étude :
L’argumentation : convaincre, persuader et délibérer

Problématique : ''Regardez comme on vous parle''
Dans quelle mesure la dystopie (SF), argumente au service d'une vision de l'homme et du monde...


I - Plan de travail : rappel du corpus

Étude d'une bande dessinéeParcours   Iconographie et représentation
études complémentaires
Prolongement
(Lecture personnelle)
Animal'z (Bilal)
Incipit
 
New York in le 5e élément
(Luc Besson)
Utopia (Th. More)
...Amaurote

et + Lecture personnelle :
Récits
 
Los Angeles in Blade Runner
(Ridley Scott)
Autre monde (C. Bergerac)
''Il fut à...''
Candide (Voltaire)
ou
Personnages
 
Coruscant in Star Wars (G. Lucas)
Candide Chap.18
(Voltaire)
1984 (Orwell)
ou
Science et SF
 
Ville in Matrix
(Wlachowski)
Point de (Vivant-Denon)
''...un sanctuaire''
La Route (Cormac McCarthy)
Excipit
 
New York in Immortel
(Enki Bilal)
1984 (Orwell)
...

II- Analyse des 9 textes :

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Texte 1 : Utopia (1516) Amaurote

Lecture cursive

Thomas More
(1478-1535)

''Qui connaît...'' à ''...le vent.''


Des villes d'Utopie et particulièrement de la ville d'Amaurote


     Qui connaît cette ville les connaît toutes, car toutes sont exactement semblables, autant que la nature du lieu le permet. Je pourrais donc vous décrire indifféremment la première venue ; mais je choisirai de préférence la ville d'Amaurote, parce qu'elle est le siège du gouvernement et du sénat, ce qui lui donne la prééminence sur toutes les autres. En outre, c'est la ville que je connais le mieux, puisque je l'ai habitée cinq années entières.
     Amaurote se déroule en pente douce sur le versant d'une colline. Sa forme est presque un carré. Sa largeur commence un peu au-dessous du sommet de la colline, se prolonge deux mille pas environ sur les bords du fleuve Anydre et augmente à mesure que l'on côtoie ce fleuve.
     La source de l'Anydre est peu abondante ; elle est située à quatre-vingts miles au-dessus d'Amaurote. Ce faible courant se grossit, dans sa marche, de la rencontre de plusieurs rivières, parmi lesquelles on en distingue deux de moyenne grandeur. Arrivé devant Amaurote, l'Anydre a cinq cents pas de large. À partir de là, il va toujours en s'élargissant et se jette à la mer, après avoir parcouru une longueur de soixante miles.
     Dans tout l'espace compris entre la ville et la mer, et quelques miles au-dessus de la ville, le flux et le reflux, qui durent six heures par jour, modifient singulièrement le cours du fleuve. À la marée montante, l'Océan remplit de ses flots le lit de l'Anydre sur une longueur de trente miles, et le refoule vers sa source. Alors, le flot salé communique son amertume au fleuve ; mais celui-ci se purifie peu à peu, apporte à la ville une eau douce et potable, et la ramène sans altération jusque près de son embouchure, quand la marée descend.
     Les deux rives de l'Anydre sont mises en rapport au moyen d'un pont de pierre, construit en arcades merveilleusement voûtées. Ce pont se trouve à l'extrémité de la ville la plus éloignée de la mer, afin que les navires puissent aborder à tous les points de la rade.
     Une autre rivière, petite, il est vrai, mais belle et tranquille, coule aussi dans l'enceinte d'Amaurote. Cette rivière jaillit à peu de distance de la ville, sur la montagne où celle-ci est placée, et, après l'avoir traversée par le milieu, elle vient marier ses eaux à celles de l'Anydre. Les Amaurotains en ont entouré la source de fortifications qui la joignent aux faubourgs. Ainsi, en cas de siège, l'ennemi ne pourrait ni empoisonner la rivière, ni en arrêter ou détourner le cours. Du point le plus élevé, se ramifient en tous sens des tuyaux de briques, qui conduisent l'eau dans les bas quartiers de la ville. Là où ce moyen est impraticable, de vastes citernes recueillent les eaux pluviales, pour les divers usages des habitants. Une ceinture de murailles hautes et larges enferme la ville, et, à des distances très rapprochées, s'élèvent des tours et des forts. Les remparts, sur trois côtés, sont entourés de fossés toujours à sec, mais larges et profonds, embarrassés de haies et de buissons. Le quatrième côté a pour fossé le fleuve même.
     Les rues et les places sont convenablement disposées, soit pour le transport, soit pour abriter contre le vent. Les édifices sont bâtis confortablement ; ils brillent d'élégance et de propreté, et forment deux rangs continus, suivant toute la longueur des rues, dont la largeur est de vingt pieds.
     Derrière et entre les maisons se trouvent de vastes jardins. Chaque maison a une porte sur la rue et une porte sur le jardin. Ces deux portes s'ouvrent aisément d'un léger coup de main, et laissent entrer le premier venu.
     Les Utopiens appliquent en ceci le principe de la possession commune. Pour anéantir jusqu'à l'idée de la propriété individuelle et absolue, ils changent de maison tous les dix ans, et tirent au sort celle qui doit leur tomber en partage.
     Les habitants des villes soignent leurs jardins avec passion ; ils y cultivent la vigne, les fruits, les fleurs et toutes sortes de plantes. Ils mettent à cette culture tant de science et de goût, que je n'ai jamais vu ailleurs plus de fertilité et d'abondance réunies à un coup d'œil plus gracieux. Le plaisir n'est pas le seul mobile qui les excite au jardinage ; il y a émulation entre les différents quartiers de la ville, qui luttent à l'envi à qui aura le jardin le mieux cultivé ! Vraiment, l'on ne peut rien concevoir de plus agréable ni de plus utile aux citoyens que cette occupation. Le fondateur de l'empire l'avait bien compris, car il appliqua tous ses efforts à tourner les esprits vers cette direction.
     Les Utopiens attribuent à Utopus le plan général de leurs cités. Ce grand législateur n'eut pas le temps d'achever les constructions et les embellissements qu'il avait projetés ; il fallait pour cela plusieurs générations. Aussi légua-t-il à la postérité le soin de continuer et de perfectionner son œuvre.
     On lit dans les annales utopiennes, conservées religieusement depuis la conquête de l'île, et qui embrassent l'histoire de dix-sept cent soixante années, on y lit qu'au commencement, les maisons, fort basses, n'étaient que des cabanes, des chaumières en bois, avec des murailles de boue et des toits de paille terminés en pointe. Les maisons aujourd'hui sont d'élégants édifices à trois étages, avec des murs extérieurs en pierre ou en brique, et des murs intérieurs en plâtras. Les toits sont plats, recouverts d'une matière broyée et incombustible, qui ne coûte rien et préserve mieux que le plomb des injures du temps. Des fenêtres vitrées (on fait dans l'île un grand usage du verre) abritent contre le vent. Quelquefois on remplace le verre par un tissu d'une ténuité extrême, enduit d'ambre ou d'huile transparente, ce qui offre aussi l'avantage de laisser passer la lumière et d'arrêter le vent.




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Étude menée par :  

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi une utopie... ?

 

 

Attention il s'agit d'un récit

 

 

 

Reprendre le schéma directeur de l'utopie

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Texte 2 : L'Autre monde (1657 et 1662)

Lecture cursive

Cyrano de Bergerac
(1619-1655)

''Il fut...'' à ''...qui revit.''



     [...] Il fut à peine sorti, que je mis à considérer attentivement mes livres, et leurs boîtes, c'est-à-dire leurs couvertures, qui me semblaient admirables pour leurs richesses ; l'une était taillée d'un seul diamant, sans comparaison plus brillant que les nôtres ; la seconde ne paraissait qu'une monstrueuse perle fendue de ce monde-là ; mais parce que je n'en ai point de leur imprimerie, je m'en vais expliquer la façon de ces deux volumes.
     À l'ouverture de la boîte, je trouvai dedans un je ne sais quoi de métal presque semblable à nos horloges, pleins de je ne sais quelques petits ressorts et de machines imperceptibles. C'est un livre à la vérité, mais c'est un livre miraculeux qui n'a ni feuillets ni caractères ; enfin c'est un livre où pour apprendre, les yeux sont inutiles ; on n'a besoin que des oreilles. Quand quelqu'un donc souhaite lire, il bande avec grande quantité de toutes sortes de petits nerfs cette machine, puis il tourne l'aiguille sur le chapitre qu'il désire écouter, et au même temps il en sort comme de la bouche d'un homme, ou d'un instrument de musique, tous les dons distincts et différents qui servent, entre les grands lunaires, à l'expression du langage .
     Lorsque j'ai depuis réfléchi sur cette miraculeuse invention de faire des livres, je ne m'étonne plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédaient plus de connaissance, à seize et dix-huit ans, que les barbes grises du nôtre ; car, sachant lire aussitôt que parler, ils ne sont jamais sans lecture ; à la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à la ceinture, une trentaine de ces livres dont ils n'ont qu'à bander un ressort pour en ouïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s'ils sont en humeur d'écouter tout un livre : ainsi vous avez éternellement autour de vous tous les grands hommes, et morts et vivants, qui vous entretiennent de vive voix. Ce présent m'occupe plus d'une heure ; enfin, me les étant attachés en forme de pendants d'oreilles, je sortis pour me promener ; mais je ne fus plus plutôt au bout de la rue que je rencontrai une troupe assez nombreuse de personnes tristes.
     Quatre d'entre eux portaient sur leurs épaules une espèce de cercueil enveloppé de noir. Je m'informai d'un, regardant ce que voulait dire ce convoi semblable aux pompes funèbres de mon pays ; il me répondit que ce méchant W... et nommé du peuple par une chiquenaude sur le genou droit, qui avait été convaincu d'envie et d'ingratitude, était décédé le jour précédent, et que le Parlement l'avait condamné il y avait plus de vingt ans à mourir de mort naturelle et dans son lit, et puis d'être enterré après sa mort. Je me pris à rire de cette réponse ; et lui m'interrogeant pourquoi :
- Vous m'étonnez, dis-je, de dire que ce qui est une marque de bénédiction dans notre monde, comme la longue vie, une mort paisible, une sépulture honorable, serve en celui-ci d'une punition exemplaire.
- Quoi ! vous prenez la sépulture pour une marque de bénédiction ! me répartit cet homme. Et par votre foi, pouvez-vous concevoir quelque chose de plus épouvantable qu'un cadavre marchant sous les vers dont il regorge, à la merci des crapauds qui lui mâchent les joues ; enfin la peste revêtue du corps d'un homme ? Bon Dieu ! la seule imagination d'avoir, quoique mort, le visage embarrassé d'un drap, et sur la bouche une pique de terre me donne de la peine à respirer ! Ce misérable que vous voyez porter, outre l'infamie d'être jeté dans une fosse, a été condamné d'être assisté dans son convoi de cent cinquante de ses amis, et commandement à eux, en punition d'avoir aimé un envieux et un ingrat, de paraître à ses funérailles avec un visage triste ; et sans que les Juges en ont en pitié, imputant en partie ses crimes à son peu d'esprit, ils auraient ordonné d'y pleurer. Hormis les criminels, on brûle ici tout le monde : aussi est-ce une coutume très décente et très raisonnable, car nous croyons que, le feu ayant séparé le pur avec l'impur, la chaleur rassemble par sympathie cette chaleur naturelle qui faisait l'âme ; et lui donne la force de s'élever toujours, et montant jusqu'à quelque astre, la terre de certains peuples plus immatériels que nous et plus intellectuels, parce que leur tempérament doit répondre et participer à la pureté du globe qu'ils habitent, et que cette flamme radicale, s'étant encore rectifiée par la subtilité des éléments de ce monde-là, elle vient à composer un des bourgeois de ce pays enflammé. Et ce n'est pas encore notre façon d'inhumer la plus belle. Quand un de nos philosophes vient à un âge où il sent ramollir son esprit, et la glace de ses ans engourdir les mouvements de son âme, il assemble ses amis par un banquet somptueux ; puis, ayant exposé les motifs qui le font résoudre à prendre congé de la nature, et le peu d'espérance qu'il y a d'ajouter quelque chose à ses belles actions, on lui fait ou grâce, c'est- à-dire on lui ordonne la mort, ou on lui fait un sévère commandement de vivre. Quand donc, à pluralité de voix, on lui a mis son souffle entre les mains, il avertit ses plus chers et du jour et du lieu : ceux-ci se purgent et s'abstiennent de manger pendant vingt-quatre heures ; puis arrivés qu'ils sont au logis du sage, et sacrifié qu'ils ont au soleil, ils entrent dans la chambre où le généreux les attend sur un lit de parade. Chacun le veut embrasser ; et quand c'est au rang de celui qu'il aime le mieux, après l'avoir baisé tendrement, il l'appuie sur son estomac, et joignant sa bouche sur sa bouche, de la main droite il se baigne un poignard dans le coeur. L'amant ne détache point ses lèvres de celles de son amant qu'il ne le sente expirer ; et lors il retire le fer de son sein, et fermant de sa bouche la plaie, il avale son sang, qu'il suce jusqu'à ce qu'un second lui succède, puis un troisième, un quatrième, et enfin toute la compagnie ; et quatre ou cinq heures après on introduit à chacun une fille de seize ou dix-sept ans et, pendant trois ou quatre jours qu'ils sont à goûter les plaisirs de l'amour, ils ne sont nourris que de la chair du mort qu'on leur fait manger toute crue, afin que, si de cent embrassements il peut naître quelque chose, ils soient assurés que c'est leur ami qui revit. »



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Étude menée par :  

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

Dans quelle mesure Cyrano invente-t-il un autre monde ?

Texte descriptif très construit

 

Il serait bon de faire référence aux autres textes

 

L'expression d'un désaccord

 

 

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Texte 3 : Candide (1759) l'Eldorado

Lecture cursive

Voltaire
(1694-1778)

''Cacambo témoigna...'' à ''...de physique.''


CHAPITRE DIX-HUITIÈME : Ce qu'ils virent dans le pays d'Eldorado



     Cacambo témoigna à son hôte toute sa curiosité ; l'hôte lui dit :
- Je suis fort ignorant, et je m'en trouve bien ; mais nous avons ici un vieillard retiré de la cour, qui est le plus savant homme du royaume, et le plus communicatif. Aussitôt il mène Cacambo chez le vieillard. Candide ne jouait plus que le second personnage, et accompagnait son valet.
     Ils entrèrent dans une maison fort simple, car la porte n'était que d'argent, et les lambris des appartements n'étaient que d'or, mais travaillés avec tant de goût que les plus riches lambris ne l'effaçaient pas. L'antichambre n'était à la vérité incrustée que de rubis et d'émeraudes ; mais l'ordre dans lequel tout était arrangé réparait bien cette extrême simplicité.
     Le vieillard reçut les deux étrangers sur un sofa matelassé de plumes de colibri, et leur fit présenter des liqueurs dans des vases de diamant ; après quoi il satisfit à leur curiosité en ces termes :
- Je suis âgé de cent soixante et douze ans, et j'ai appris de feu mon père, écuyer du roi, les étonnantes révolutions du Pérou dont il avait été témoin. Le royaume où nous sommes est l'ancienne patrie des Incas, qui en sortirent très imprudemment pour aller subjuguer une partie du monde, et qui furent enfin détruits par les Espagnols. Les princes de leur famille qui restèrent dans leur pays natal furent plus sages ; ils ordonnèrent, du consentement de la nation, qu'aucun habitant ne sortirait jamais de notre petit royaume ; et c'est ce qui nous a conservé notre innocence et notre félicité. Les Espagnols ont eu une connaissance confuse de ce pays, ils l'ont appelé El Dorado, et un Anglais, nommé le chevalier Raleigh, en a même approché il y a environ cent années ; mais, comme nous sommes entourés de rochers inabordables et de précipices, nous avons toujours été jusqu'à présent à l'abri de la rapacité des nations de l'Europe, qui ont une fureur inconcevable pour les cailloux et pour la fange de notre terre, et qui, pour en avoir, nous tueraient tous jusqu'au dernier.
     La conversation fut longue ; elle roula sur la forme du gouvernement, sur les moeurs, sur les femmes, sur les spectacles publics, sur les arts. Enfin Candide, qui avait toujours du goût pour la métaphysique, fit demander par Cacambo si dans le pays il y avait une religion. Le vieillard rougit un peu.
- Comment donc, dit-il, en pouvez-vous douter ? Est-ce que vous nous prenez pour des ingrats ?
Cacambo demanda humblement quelle était la religion d'Eldorado. Le vieillard rougit encore.
- Est-ce qu'il peut y avoir deux religions ? dit- il ; nous avons, je crois, la religion de tout le monde : nous adorons Dieu du soir jusqu'au matin.
- N'adorez-vous qu'un seul Dieu ? dit Cacambo, qui servait toujours d'interprète aux doutes de Candide.
- Apparemment, dit le vieillard, qu'il n'y en a ni deux, ni trois, ni quatre. Je vous avoue que les gens de votre monde font des questions bien singulières.
Candide ne se lassait pas de faire interroger ce bon vieillard ; il voulut savoir comment on priait Dieu dans l'Eldorado.
- Nous ne le prions point, dit le bon et respectable sage ; nous n'avons rien à lui demander ; il nous a donné tout ce qu'il nous faut ; nous le remercions sans cesse.
Candide eut la curiosité de voir des prêtres ; il fit demander où ils étaient. Le bon vieillard sourit.
- Mes amis, dit-il, nous sommes tous prêtres ; le roi et tous les chefs de famille chantent des cantiques d'actions de grâces solennellement tous les matins ; et cinq ou six mille musiciens les accompagnent.
- Quoi ! vous n'avez point de moines qui enseignent, qui disputent, qui gouvernent, qui cabalent, et qui font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis ?
- Il faudrait que nous fussions fous, dit le vieillard ; nous sommes tous ici du même avis, et nous n'entendons pas ce que vous voulez dire avec vos moines.
     Candide à tous ces discours demeurait en extase, et disait en lui-même :
- Ceci est bien différent de la Westphalie et du château de monsieur le baron : si notre ami Pangloss avait vu Eldorado, il n'aurait plus dit que le château de Thunder-ten-tronckh était ce qu'il y avait de mieux sur la terre ; il est certain qu'il faut voyager.
Après cette longue conversation, le bon vieillard fit atteler un carrosse à six moutons, et donna douze de ses domestiques aux deux voyageurs pour les conduire à la cour :
- Excusez-moi, leur dit-il, si mon âge me prive de l'honneur de vous accompagner. Le roi vous recevra d'une manière dont vous ne serez pas mécontents, et vous pardonnerez sans doute aux usages du pays s'il y en a quelques-uns qui vous déplaisent.
     Candide et Cacambo montent en carrosse ; les six moutons volaient, et en moins de quatre heures on arriva au palais du roi, situé à un bout de la capitale. Le portail était de deux cent vingt pieds de haut et de cent de large ; il est impossible d'exprimer quelle en était la matière. On voit assez quelle supériorité prodigieuse elle devait avoir sur ces cailloux et sur ce sable que nous nommons or et pierreries.
     Vingt belles filles de la garde reçurent Candide et Cacambo à la descente du carrosse, les conduisirent aux bains, les vêtirent de robes d'un tissu de duvet de colibri ; après quoi les grands officiers et les grandes officières de la couronne les menèrent à l'appartement de Sa Majesté, au milieu de deux files chacune de mille musiciens, selon l'usage ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du trône, Cacambo demanda à un grand officier comment il fallait s'y prendre pour saluer Sa Majesté ; si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la salle ; en un mot, quelle était la cérémonie.
- L'usage, dit le grand officier, est d'embrasser le roi et de le baiser des deux côtés.
Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, qui les reçut avec toute la grâce imaginable et qui les pria poliment à souper.
     En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés jusqu'aux nues, les marchés ornés de mille colonnes, les fontaines d'eau pure, les fontaines d'eau rose, celles de liqueurs de canne de sucre, qui coulaient continuellement dans de grandes places, pavées d'une espèce de pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ; on lui dit qu'il n'y en avait point, et qu'on ne plaidait jamais. Il s'informa s'il y avait des prisons, et on lui dit que non. Ce qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de plaisir, ce fut le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d'instruments de mathématique et de physique.





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Étude menée par :  

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi... ?

 

 

Attention il s'agit d'un récit

 

 

 

Reprendre le schéma directeur de l'utopie

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Texte 4 : Point de lendemain, 1777

Lecture cursive

Vivant-Denon
(1747 - 1825)

de ''Je ne concevais...'' à ''...Elle m'entraîne.''


Une utopie ?

     Je ne concevais rien à tout ce que j'entendais. Nous enfilions la grande route du sentiment, et la reprenions de si haut, qu'il était impossible d'entrevoir le terme du voyage. Au milieu de nos raisonnements métaphysiques, on me fit apercevoir, au bout d'une terrasse, un pavillon qui avait été le témoin des plus doux moments. On me détailla sa situation, son ameublement. Quel dommage de n'en pas avoir la clef ! Tout en causant, nous en approchions. Il se trouva ouvert ; il ne lui manquait plus que la clarté du jour. Mais l'obscurité pouvait aussi lui prêter quelques charmes. D'ailleurs, je savais combien était charmant l'objet qui allait l'embellir.
     Nous frémîmes en entrant. C'était un sanctuaire, et c'était celui de l'Amour. Il s'empara de nous [...]
     Plus calmes, nous trouvâmes l'air plus pur, plus frais. Nous n'avions pas entendu que la rivière, dont les flots baignent les murs du pavillon, rompait le silence de la nuit par un murmure doux qui semblait d'accord avec la palpitation de nos cœurs. L'obscurité était trop grande pour laisser distinguer aucun objet ; mais à travers le crêpe transparent d'une belle nuit d'été, notre imagination faisait d'une île qui était devant notre pavillon un lieu enchanté. La rivière nous paraissait couverte d'amours qui se jouaient dans les flots. Jamais les forêts de Gnide1 n'ont été si peuplées d'amants, que nous en peuplions l'autre rive. Il n'y avait pour nous dans la nature que des couples heureux, et il n'y en avait point de plus heureux que nous. Nous aurions défié Psyché et l'Amour. J'étais aussi jeune que lui ; je trouvais madame de T*** aussi charmante qu'elle. Plus abandonnée, elle me sembla plus ravissante encore. Chaque moment me livrait une beauté. Le flambeau de l'amour me l'éclairait pour les yeux de l'âme, et le plus sûr des sens confirmait mon bonheur. Quand la crainte est bannie, les caresses cherchent les caresses ; elles s'appellent plus tendrement. On ne veut plus qu'une faveur soit ravie. Si l'on diffère, c'est raffinement. Le refus est timide et n'est qu'un tendre soin. On désire, on ne voudrait pas : c'est l'hommage qui plaît… Le désir flatte... L'âme en est exaltée... On adore... On ne cédera point… On a cédé.
     " Ah ! me dit-elle avec voix céleste, sortons de ce dangereux séjour ; sans cesse les désirs s'y reproduisent, et l'on est sans force pour leur résister ". Elle m'entraîne.

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Notes
- Mme de T*** découvre avec le narrateur ce sanctuaire, dédié à l'amour)
-
Temple de Gnide : allusion au texte de Montesquieu, poème en prose de "conception gracieuse" à l'adresse de Vénus... (1724)




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Étude menée par : 1

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi est-ce l'expression d'une utopie ?

 

Ouverture sur l'objet d'étude

Fonctions de la description...

 

 

 

 

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Texte 5 : 1984, (1948)

Lecture cursive

Orwell
(1903 - 1950)

''Winston restait... --> ...télécran.''


1984


     [...] Winston restait le dos tourné au télécran. Bien qu'un dos, il le savait, pût être révélateur, c'était plus prudent. À un kilomètre, le ministère de la Vérité, où il travaillait, s'élevait vaste et blanc au-dessus du paysage sinistre. Voilà Londres, pensa-t-il avec une sorte de vague dégoût, Londres, capitale de la première région aérienne, la troisième, par le chiffre de sa population, des provinces de l'Océania. Il essaya d'extraire de sa mémoire quelque souvenir d'enfance qui lui indiquerait si Londres avait toujours été tout à fait comme il la voyait. Y avait-il toujours eu ces perspectives de maisons du XIX° siècle en ruine, ces murs étayés par des poutres, ce carton aux fenêtres pour remplacer les vitres, ces toits plâtrés de tôle ondulée, ces clôtures de jardin délabrées et penchées dans tous les sens ? Et ces endroits où les bombes avaient dégagé un espace plus large et où avaient jailli de sordides colonies d'habitacles en bois semblables à des cabanes à lapins ? Mais c'était inutile, Winston n'arrivait pas à se souvenir. Rien ne lui restait de son enfance, hors une série de tableaux brillamment éclairés, sans arrière-plan et absolument inintelligibles.
     Le ministère de la Vérité - Miniver, en nov-langue - frappait par sa différence avec les objets environnants. C'était une gigantesque construction pyramidale de béton d'un blanc éclatant. Elle étageait ses terrasses jusqu'à trois cents mètres de hauteur. De son poste d'observation, Winston pouvait encore déchiffrer sur la façade l'inscription artistique des trois slogans du Parti :

La guerre c'est la paix

La liberté c'est l'esclavage

L'ignorance c'est la force.


     Le ministère de la Vérité comprenait, disait-on, trois mille pièces au-dessus du niveau du sol, et des ramifications souterraines correspondantes. Disséminées dans tout Londres, il n'y avait que trois autres constructions d'apparence et de dimensions analogues. Elles écrasaient si complètement l'architecture environnante que, du toit du bloc de la Victoire, on pouvait les voir toutes les quatre simultanément. C'étaient les locaux des quatre ministères entre lesquels se partageait la totalité de l'appareil gouvernemental.
     Le ministère de la Vérité, qui s'occupait des divertissements, de l'information, de l'éducation et des beaux-arts. Le ministère de la Paix, qui s'occupait de la guerre. Le ministère de l'amour qui veillait au respect de la loi et de l'ordre. Le ministère de l'Abondance, qui était responsable des affaires économiques. Leurs noms, en novlangue, étaient : Miniver, Minipax, Miniamour, Miniplein.
     Winston fit brusquement demi-tour. Il avait fixé sur ses traits l'expression de tranquille optimisme qu'il était prudent de montrer quand on était en face du télécran.




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Étude menée par : 1 S

Thématique

Situation

ConclusionRemarques

En quoi une dystopie ?

Début

Ouverture sur les autres textes

Texte fondateur, dystopie

 

 

 

Place du narrateur / utopie

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Texte 6 : Pourquoi le futur n’a pas besoin de nous (2000)

Lecture analytique

Bill Joy
(1956-...)

'J’ai récemment ...' --> '...en douter ?'


     J’ai récemment eu le privilège de faire la connaissance du distingué écrivain et érudit Jacques Attali, dont le livre Lignes d’horizons (Millennium, dans sa traduction anglaise) m’a en partie inspirée l’approche Java et Jini des effets pervers de la technologie informatique des années à venir. Dans son dernier ouvrage, Fraternités, Attali explique comment, au fil du temps, nos utopies se sont transformées :
"À l’aube des sociétés, les hommes, sachant que la perfection n’appartenait qu’à leurs dieux, ne voyaient leur passage sur Terre que comme un labyrinthe de douleurs au bout duquel se trouvait une porte ouvrant, via la mort, sur la compagnie des dieux et sur l'Éternité. Avec les Hébreux puis avec les Grecs, des hommes osèrent se libérer des exigences théologiques et rêver d’une Cité idéale où s’épanouirait la Liberté. D’autres, en observant l’évolution de la société marchande, comprirent que la liberté des uns entraînerait l’aliénation des autres, et ils cherchèrent l’Égalité."
     Jacques Attali m’a permis de comprendre en quoi ces trois objectifs utopiques existent en tension dans notre société actuelle. Il poursuit avec l’exposé d’une quatrième utopie, la fraternité, dont le socle est l’altruisme. En elle-même, la fraternité allie le bonheur individuel au bonheur d’autrui, offrant la promesse d’une croissance autonome.
     Cela a cristallisé en moi le problème que j’avais avec le rêve de Kurzweil. Une approche technologique de l’Eternité – la quasi-immortalité que nous promet la robotique – n’est pas forcément l’utopie la plus souhaitable. En outre, caresser ce genre de rêve comporte des dangers évidents. Peut-être devrions-nous reconsidérer nos choix d’utopies.
     Vers quoi nous tourner pour trouver une nouvelle base éthique susceptible de nous guider ? J’ai trouvé les idées qu’expose le Dalaï-lama (dans Sagesse ancienne, monde moderne) très utiles à cet égard. Comme cela est largement admis mais peu mis en pratique, le Dalaï-lama fait valoir que le plus important pour nous est de conduire notre vie dans l’amour et la compassion pour autrui, et que nos sociétés doivent développer une notion plus forte de responsabilité universelle et d’interdépendance ; il propose un principe pratique de conduite éthique destiné tant à l’individu qu’aux sociétés, lequel s’accorde avec l’utopie de fraternité d’Attali.
     Au surplus, souligne le Dalaï-lama, il nous faut comprendre ce qui rend l’homme heureux, et se rendre à l’évidence : la clé n’en est ni le progrès matériel, ni la recherche du pouvoir que confère le savoir. En clair, il y a des limites à ce que science et recherche scientifique, seules, peuvent accomplir.
     Notre notion occidentale du bonheur semble nous venir des Grecs, qui en donnaient comme définition : « vivre de toutes ses forces, guidé par des critères d’excellence, une vie leur permettant de se déployer ».
     Certes, il nous faut trouver des enjeux chargés de sens et continuer d’explorer de nouvelles voies si, quoi qu’il advienne, nous voulons trouver le bonheur. Reste que, je le crois, nous devons trouver de nouveaux exutoires à nos forces créatives, et sortir de la culture de la croissance perpétuelle. Si, des siècles durant, cette croissance nous a comblés de bienfaits, elle ne nous a pas pour autant apporté le bonheur parfait.
     L’heure est venue de le comprendre : une croissance illimitée et sauvage par la science et la technologie s’accompagne fatalement de dangers considérables.
     Plus d’un an s’est aujourd’hui écoulé depuis ma première rencontre avec Ray Kurzweil et John Searle. Je trouve autour de moi des raisons d’espérer dans les voix qui s’élèvent en faveur du principe de précaution et de désengagement, et dans ces individus qui, comme moi, s’inquiètent de la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons. J’éprouve moi aussi un sentiment de responsabilité personnelle accru – non pas pour le travail réalisé jusqu’ici, mais pour celui qui pourrait me rester à accomplir, au confluent des sciences.
     Cependant, un grand nombre de ceux qui ont connaissance des dangers semblent se tenir étrangement cois. Lorsqu’on les presse, ils ripostent à coups de « cela n’est pas une nouveauté » – comme si l’on pouvait se satisfaire de la seule conscience du danger latent. « Les universités sont pleines de bioéthiciens qui examinent ces trucs à longueur de journée », me disent-ils. Ou encore, « tout cela a déjà été dit et écrit, et par des experts ». Et enfin : « Ces craintes et ces raisonnements, c’est du déjà vu », râlent-ils.
     J’ignore où ces gens-là dissimulent leurs peurs. Au titre d’architecte de systèmes complexes, je descends dans cette arène avec des yeux de généraliste. Mais pour autant, devrais-je moins m’alarmer ? J’ai conscience qu’on a beaucoup écrit, dit et enseigné à ce sujet, et avec quel panache. Mais cela a-t-il atteint les gens ? Cela signifie-t-il que nous pouvons ignorer les dangers qui frappent aujourd’hui à notre porte ?
     Il ne suffit pas de savoir, encore faut-il agir. Le savoir est devenu une arme que nous retournons contre nous-mêmes. Peut-on encore en douter ?

Sur les auteurs (liens internets valides en novembre 2005) :
Bill Joy Gare aux robots cinglés
Bill Joy Colloque futur de l'humain
Ray Kurzweil
John Searle


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Étude menée par : 1 S

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte a-t-il une portée didactique ?

Place de l'Homme dans le futur ?

 

 

 

 

 

 

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Texte 7 : Contes et nouvelles, 1665

Lecture cursive

La Fontaine
(1621 - 1685)

''J'ai lieu d'appréhender --> trouvé d'autres.''


Préface de La Fontaine (pour le premier livre de ses Contes ; seconde édition, 1665)



   J'ai lieu d'appréhender des objections bien plus importantes. On m'en peut faire deux principales : l'une, que ce livre est licencieux ; l'autre, qu'il n'épargne pas assez le beau sexe.
   Quant à la première, je dis hardiment que la nature du conte le voulait ainsi ; étant une loi indispensable, selon Horace, ou plutôt selon la raison et le sens commun, de se conformer aux choses dont on écrit. Or, qu'il ne m'ait été permis d'écrire de celles-ci, comme tant d'autres l'ont fait et avec succès, je ne crois pas qu'on le mette en doute ; et l'on ne me saurait condamner que l'on ne condamne aussi l'Arioste devant moi, et les anciens devant l'Arioste. On me dira que j'eusse mieux fait de supprimer quelques circonstances, ou tout au moins de les déguiser. Il n'y avait rien de plus facile ; mais cela aurait affaibli le conte, et lui aurait ôté de sa grâce. Tant de circonspection n'est nécessaire que dans les ouvrages qui promettent beaucoup de retenue dès l'abord, ou par leur sujet, ou par la manière dont on les traite. Je confesse qu'il faut garder en cela des bornes, et que les plus étroites sont les meilleures : aussi faut-il m'avouer que trop de scrupule gâterait tout. Qui voudrait réduire Boccace à la même pudeur que Virgile ne ferait assurément rien qui vaille, et pécherait contre les lois de la bienséance, en prenant à tâche de les observer. Car, afin que l'on ne s'y trompe pas, en matière de vers et de prose, l'extrême pudeur et la bienséance sont deux choses bien différentes. Cicéron fait consister la dernière à dire ce qu'il est à propos qu'on dise eu égard au lieu, au temps, et aux personnes qu'on entretient. Ce principe une fois posé, ce n'est pas une faute de jugement que d'entretenir les gens d'aujourd'hui de contes un peu libres. Je ne pèche pas non plus en cela contre la morale. S'il y a quelque chose dans nos écrits qui puisse faire impression sur les âmes, ce n'est nullement la gaieté de ces contes ; elle passe légèrement : je craindrais plutôt une douce mélancolie, où les romans les plus chastes et les plus modestes sont très capables de nous plonger, et qui est une grande préparation pour l'amour.
   Quant à la seconde objection, par laquelle on me reproche que ce livre fait tort aux femmes, on aurait raison si je parlais sérieusement ; mais qui ne voit que ceci est jeu, et par conséquent ne peut porter coup ? Il ne faut pas avoir peur que les mariages en soient à l'avenir moins fréquents, et les maris plus fort sur leurs gardes.
   On me peut encore objecter que ces contes ne sont pas fondés, ou qu'ils ont partout un fondement aisé à détruire ; enfin, qu'il y a des absurdités, et pas la moindre teinture de vraisemblance. Je réponds en peu de mots que j'ai mes garants ; et puis ce n'est ni le vrai ni le vraisemblable qui font la beauté et la grâce de ces choses-ci ; c'est seulement la manière de les conter.
   Voilà les principaux points sur quoi j'ai cru être obligé de me défendre. J'abandonne le reste aux censeurs : aussi bien serait-ce une entreprise infinie que de prétendre répondre à tout. Jamais la critique ne demeure court, ni ne manque de sujets de s'exercer : quand ceux que je puis prévoir lui seraient ôtés, elle en aurait bientôt trouvé d'autres.
   (Sources citées par La Fontaine : Térence, Boccace, Herberay - Amadis, Rabelais)




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Étude menée par : 1 S

Thématique

Situation

ConclusionRemarques

 

 

Ouverture sur les autres textes

 

 

 

 

 

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Texte 8 : In Contes et nouvelles, 1665

Lecture analytique

La Fontaine
(1621 - 1695)

Messire Artus --> l'avoir si mal pris.


IV : LE MARI CONFESSEUR.

Messire Artus sous le grand roi François,
Alla servir aux guerres d'Italie ;
Tant qu'il se vit, après maints beaux exploits,
Fait chevalier en grand' cérémonie.
Son général lui chaussa l'éperon ;
Dont il croyait que le plus haut baron
Ne lui dût plus contester le passage.
Si s'en revint tout fier en son village,
Où ne surprit sa femme en oraison.
Seule il l'avait laissée à la maison ;
Il la retrouve en bonne compagnie,
Dansant, sautant, menant joyeuse vie,
Et des muguets avec elle à foison.
Messire Artus ne prit goût à l'affaire ;
Et ruminant sur ce qu'il devait faire
« Depuis que j'ai mon village quitté,
Si j'étais crû, dit-il, en dignité
De cocuage et de chevalerie ?
C'est moitié trop : sachons la vérité. »
Pour ce s'avise, un jour de confrérie,
De se vêtir en prêtre, et confesser.
Sa femme vient à ses pieds se placer.
De prime abord sont par la bonne dame
Expédiés tous les péchés menus ;
Puis, à leur tour les gros étant venus,
Force lui fut qu'elle changeât de gamme.
''Père, dit-elle, en mon lit sont reçus
Un gentilhomme, un chevalier, un prêtre. ''
Si le mari ne se fût fait connaître,
Elle en allait enfiler beaucoup plus ;
Courte n'était, pour sûr, la kyrielle.
Son mari donc l'interrompt là-dessus,
Dont bien lui prit : « Ah ! dit-il, infidèle !
Un prêtre même ! À qui crois-tu parler ?
- À mon mari, dit la fausse femelle,
Qui d'un tel pas se sut bien démêler,
Je vous ai vu dans ce lieu vous couler,
Ce qui m'a fait douter du badinage.
C'est un grand cas qu'étant homme si sage
Vous n'ayez su l'énigme débrouiller !
On vous a fait, dites-vous, chevalier ;
Auparavant vous étiez gentilhomme ;
Vous êtes prêtre avecque ces habits.
- Béni soit Dieu ! dit alors le bon homme ;
Je suis un sot de l'avoir si mal pris.




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Étude menée par : 1 S

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

 

 

 

Tradition du portrait de la femme à l'italienne...

 

 

 

Qui est le plus sot, ou le plus roué ?

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Texte 9 : Pollen (2002) - Incipit

Lecture analytique

Wintrebert J.
(1949-...)

de ''Tu ne tueras...'' à ''...les combattre. '' (avec l'autorisation anticipée de l'auteure)


Partie 1


          «Tu ne tueras pas.
          «Tu ne porteras pas la main sur autrui dans l'intention de le blesser.
          «Tu ne verseras pas le sang.»
   C'était la loi de Pollen.
   Sandre regardait le stylet. Une arme affilée, coupante. Il l'avait affûtée avec soin.
   Tu ne tueras pas.
   Il scruta la Citadelle. La porte qui donnait sur les jardins s'ouvrit enfin. Un guerrier en sortit et se mit à courir. Ses pas lourds creusaient le sable des allées. Il ne s'arrêterait qu'à bout de souffle. Sandre frapperait à cet instant.
   Le guerrier pénétra dans le jardin Rouge. Sandre le guettait depuis deux jours. Le cycle de ses foulées était immuable. Bientôt il atteindrait le Jardin Bleu, il s'arrêterait devant la fontaine, épuisé.
   Caché derrière la statue des Mères, Sandre attendait, ses doigts moites sur le stylet. Un tic agitait sa paupière. Tu ne tueras pas. La peur lui serrait la gorge mais sa résolution n'avait pas faibli. Et si mon corps me trahit ? Et si mon bras manque de puissance ? C'est un guerrier que je vais attaquer. Un être d'exception, entraîné au combat.
   Sandre suffoqua. L'odeur des violanthes était insupportable, ce soir. L'antidote de Moray le protégeait-il encore contre les effluves empoisonnés des fleurs-gardiennes ? Sa salive lui semblait un bloc étrange arrêté dans sa gorge. Ses mains fourmillaient. Et s'il tombait, comme tous ceux qui s'approchaient trop près de la Citadelle ?
   Les pas du guerrier sonnèrent sur les dalles mélodiques de l'atrium, enrayés de fatigue. Sandre respirait à petits coups. Ce n'était pas le moment de flancher. Précédée par son lumen qui l'éclairait à pleine puissance, sa proie approchait.
   Tapi dans l'ombre des Mères, Sandre vit le guerrier s'arrêter à l'endroit prévu, prendre appui sur ses genoux pliés, haleter comme s'il était pris de malaise.
   Le premier soir de sa traque, Sandre avait pensé que le guerrier lui échappait, tué par les fleurs censées le protéger. Les guerriers sont immunisés contre les violanthes. En voyant l'athlète s'éloigner d'un pas égal, Sandre avait compris son erreur.
   À l'instant où le guerrier s'arrêta, Sandre se jeta sur lui, perçant tel un guêpion, à l'endroit du coeur. Le guerrier s'effondra. Il râlait.
   Sandre sauta en arrière pour éviter la chute de sa victime. En même temps, il arracha le lumen. Privé de son symbiote, l'animal devint obscur. D'un coup de pied, Sandre l'écarta. Le lumen s'éteignit tout à fait.
   Le guerrier gisait devant la fontaine. Un soupir étrange quitta sa bouche, puis son corps se figea. Sur sa tunique s'élargit une tache, distincte à la faible clarté des étoiles. Sandre se mit à trembler. Figé, l'esprit gourd, la mémoire obscurcie, il essayait de se rappeler les consignes.
   « Assure-toi qu'il est mort, avait dit Moray. Surtout, n'oublie pas le stylet. »
   Sandre gémit. Le stylet! Il s'en était aussitôt débarrassé. Un geste irrépressible. Comment retrouver l'arme, la signature de son crime ?
   Fébriles, ses mains exploraient la terre entre les fleurs. Son coeur battait entre ses lèvres, il allait étouffer.
   « Panique, avait dit Moray, et ce sera comme si tu avais retourné le stylet contre toi. On t'a dressé à ne pas tuer. Après, chacun de nous a voulu se punir. Résiste. Prends le temps de respirer.»
   Sandre s'assit sur ses talons, inspira, expira, et s'aperçut aussitôt que ce n'était pas une bonne idée : l'odeur des violanthes l'accablait, écoeurante, musquée. Il se sentit devenir moite et froid, il s'éloignait de lui-même, au-dessus de lui les étoiles s'éteignirent.
   Il vomit en reprenant conscience, trois longs jets brûlants. Les yeux mouillés de larmes, il s'aperçut qu'il avait déjà commencé à se rendre. On avait inscrit en lui l'horreur de la violence. Il ne parvenait pas à la dominer. Il se souvint des exhortations de Moray.
   « Tu as été conditionné, Sandy. Frappe, et tu seras délivré. Ne laisse pas le doute t'empoisonner. Les scrupules sont stériles. Les guerriers nous volent nos soeurs et nos amies. Nous devons les combattre.»




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Étude menée par : 1 S

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte est-il représentatif d'un incipit ?

 

Ouverture sur une question d'entretien

Penser au genre du roman...

Dans quelle mesure s'ouvre la dystopie ?

 

 

Et si le féminin l'emportait sur...

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