Théâtre
Mvt littéraire (L)
Argumenter
Poésie
Roman
Réécritures (L)

Objet d'étude :
Le personnage de roman
(du XVIIe siècle à nos jours)

Problématique : En quoi le personnage de roman donne-t-il à voir un monde ?

I - Plan de travail : rappel du corpus

OI-3-1 : Étude d'une oeuvre intégrale Objet 3, séq. 1
GT 1 : le portrait
Objet 3, séq. 3
GT 2 : projets d'auteurs
Objet 3, séq. 4
GT 3 : apport culturel
La Condition humaine de A. Malraux
Pollen (Wintrebert)
 
Préface du Roman expérimental (Zola)
Incipit
Les Liaisons (Laclos)
Premières de couverture
Préfaces
May
La Disparition (Perec)
Expressionnisme allemand
et
Katow
Mme Bovary (Flaubert)
Le cinéma à l'époque de Malraux
débuts de romans
Clappique
Germinie... (Goncourt)
 
 
Excipit
La Métamorphose (Kafka)
Réécrire l'Histoire
 

 


Capsule : aide au commentaire (oral ou écrit)

II- Analyse des 7 textes :

flèche vers haut de page

Texte 1 : Pollen (2002) - Incipit

Lecture cursive

Wintrebert J.
(1949-...)

De « Tu ne tueras... Â» à « ...les combattre. Â» (avec l'aimable autorisation de l'auteure)

Partie 1


          Â«Tu ne tueras pas.
          Â«Tu ne porteras pas la main sur autrui dans l'intention de le blesser.
          Â«Tu ne verseras pas le sang.»
   C'était la loi de Pollen.
   Sandre regardait le stylet. Une arme affilée, coupante. Il l'avait affûtée avec soin.
   Tu ne tueras pas.
   Il scruta la Citadelle. La porte qui donnait sur les jardins s'ouvrit enfin. Un guerrier en sortit et se mit à courir. Ses pas lourds creusaient le sable des allées. Il ne s'arrêterait qu'à bout de souffle. Sandre frapperait à cet instant.
   Le guerrier pénétra dans le jardin Rouge. Sandre le guettait depuis deux jours. Le cycle de ses foulées était immuable. Bientôt il atteindrait le Jardin Bleu, il s'arrêterait devant la fontaine, épuisé.
   Caché derrière la statue des Mères, Sandre attendait, ses doigts moites sur le stylet. Un tic agitait sa paupière. Tu ne tueras pas. La peur lui serrait la gorge mais sa résolution n'avait pas faibli. Et si mon corps me trahit ? Et si mon bras manque de puissance ? C'est un guerrier que je vais attaquer. Un être d'exception, entraîné au combat.
   Sandre suffoqua. L'odeur des violanthes était insupportable, ce soir. L'antidote de Moray le protégeait-il encore contre les effluves empoisonnés des fleurs-gardiennes ? Sa salive lui semblait un bloc étrange arrêté dans sa gorge. Ses mains fourmillaient. Et s'il tombait, comme tous ceux qui s'approchaient trop près de la Citadelle ?
   Les pas du guerrier sonnèrent sur les dalles mélodiques de l'atrium, enrayés de fatigue. Sandre respirait à petits coups. Ce n'était pas le moment de flancher. Précédée par son lumen qui l'éclairait à pleine puissance, sa proie approchait.
   Tapi dans l'ombre des Mères, Sandre vit le guerrier s'arrêter à l'endroit prévu, prendre appui sur ses genoux pliés, haleter comme s'il était pris de malaise.
   Le premier soir de sa traque, Sandre avait pensé que le guerrier lui échappait, tué par les fleurs censées le protéger. Les guerriers sont immunisés contre les violanthes. En voyant l'athlète s'éloigner d'un pas égal, Sandre avait compris son erreur.
   Ã€ l'instant où le guerrier s'arrêta, Sandre se jeta sur lui, perçant tel un guêpion, à l'endroit du coeur. Le guerrier s'effondra. Il râlait.
   Sandre sauta en arrière pour éviter la chute de sa victime. En même temps, il arracha le lumen. Privé de son symbiote, l'animal devint obscur. D'un coup de pied, Sandre l'écarta. Le lumen s'éteignit tout à fait.
   Le guerrier gisait devant la fontaine. Un soupir étrange quitta sa bouche, puis son corps se figea. Sur sa tunique s'élargit une tache, distincte à la faible clarté des étoiles. Sandre se mit à trembler. Figé, l'esprit gourd, la mémoire obscurcie, il essayait de se rappeler les consignes.
   Â« Assure-toi qu'il est mort, avait dit Moray. Surtout, n'oublie pas le stylet. »
   Sandre gémit. Le stylet! Il s'en était aussitôt débarrassé. Un geste irrépressible. Comment retrouver l'arme, la signature de son crime ?
   Fébriles, ses mains exploraient la terre entre les fleurs. Son coeur battait entre ses lèvres, il allait étouffer.
   Â« Panique, avait dit Moray, et ce sera comme si tu avais retourné le stylet contre toi. On t'a dressé à ne pas tuer. Après, chacun de nous a voulu se punir. Résiste. Prends le temps de respirer.»
   Sandre s'assit sur ses talons, inspira, expira, et s'aperçut aussitôt que ce n'était pas une bonne idée : l'odeur des violanthes l'accablait, écoeurante, musquée. Il se sentit devenir moite et froid, il s'éloignait de lui-même, au-dessus de lui les étoiles s'éteignirent.
   Il vomit en reprenant conscience, trois longs jets brûlants. Les yeux mouillés de larmes, il s'aperçut qu'il avait déjà commencé à se rendre. On avait inscrit en lui l'horreur de la violence. Il ne parvenait pas à la dominer. Il se souvint des exhortations de Moray.
   Â« Tu as été conditionné, Sandy. Frappe, et tu seras délivré. Ne laisse pas le doute t'empoisonner. Les scrupules sont stériles. Les guerriers nous volent nos soeurs et nos amies. Nous devons les combattre.»




01



05




10




15




20




25




30




35




40


Étude menée par : ...

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte est-il représentatif d'un incipit ?

 

Ouverture sur une question d'entretien

Penser au genre du roman...

 

 

 

Et si le féminin l'emportait sur...

flèche vers haut de page

Texte 2 : Les Liaisons dangereuses (1782) - Lettre VI

Lecture cursive

Choderlos de Laclos
(1741 - 1803)

De « Elle est ''prude et dévote... Â» à « ...perdu sans ressource. Â»

Lettre VI : Le Vicomte à Mme de Merteuil


     [Mme de Tourvel] est ''prude et dévote'', et de là vous la jugez ''froide et inanimée'' ? Je pense bien différemment. Quelle étonnante sensibilité ne faut il pas avoir pour la répandre jusque sur son mari, et pour aimer toujours un être toujours absent. Quelle preuve plus forte pourriez vous désirer ?
     J'ai su pourtant m'en procurer une autre.
     J'ai dirigé sa promenade de manière qu'il s'est trouvé un fossé à franchir ; et, quoique fort leste, elle est encore plus timide : vous jugez bien qu'une prude craint de sauter le fossé . Il a fallu se confier à moi. J'ai tenu dans mes bras cette femme modeste. Nos préparatifs et le passage de ma vieille tante avaient fait rire aux éclats la folâtre dévote : mais, dès que je me fus emparé d'elle, par une adroite gaucherie, nos bras s'enlacèrent mutuellement. Je pressai son sein contre le mien ; et, dans ce court intervalle, je sentis son cÅ“ur battre plus vite. L'aimable rougeur vint colorer son visage, et son modeste embarras m'apprit assez que son cÅ“ur avait palpité d'amour et non de crainte. Ma tante cependant s'y trompa comme vous, et se mit à dire : ''L'enfant a eu peur''; mais la charmante candeur de l'enfant ne lui permit pas le mensonge, et elle répondit naïvement : ''Oh non, mais...'' Ce seul mot m'a éclairé. Dès ce moment, le doux espoir a remplacé la cruelle inquiétude. J'aurai cette femme ; je l'enlèverai au mari qui la profane : j'oserai la ravir au dieu même qu'elle adore. Quel délice d'être tour à tour l'objet et le vainqueur de ses remords ! Loin de moi l'idée de détruire les préjugés qui l'assiègent ! ils ajouteront à mon bonheur et à ma gloire. Qu'elle croie à la vertu, mais qu'elle me la sacrifie ; que ses fautes l'épouvantent sans pouvoir l'arrêter ; et qu'agitée de mille terreurs, elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras. Qu'alors j'y consens, elle me dise : ''Je t'adore'' ; elle seule, entre toutes les femmes, sera digne de prononcer ce mot. Je serai vraiment le Dieu quelle aura préféré.
     Soyons de bonne foi ; dans nos arrangements, aussi froids que faciles, ce que nous appelons bonheur est à peine un plaisir. Vous le dirai je ? Je croyais mon cÅ“ur flétri, et ne me trouvant plus que des sens, je me plaignais d'une vieillesse prématurée. Madame de Tourvel m'a rendu les charmantes illusions de la jeunesse. Auprès d'elle, je n'ai pas besoin de jouir pour être heureux. La seule chose qui m'effraie, est le temps que va me prendre cette aventure ; car je n'ose rien donner au hasard. J'ai beau me rappeler mes heureuses témérités, je ne puis me résoudre à les mettre en usage. Pour que je sois vraiment heureux, il faut qu'elle se donne ; et ce n'est pas une petite affaire.
     Je suis sûr que vous admireriez ma prudence. Je n'ai pas encore prononcé le mot d'amour ; mais déjà nous en sommes à ceux de confiance et d'intérêt. Pour la tromper le moins possible, et surtout pour prévenir l'effet des propos qui pourraient lui revenir, je lui ai raconté moi¬ même, et comme en m'accusant, quelques uns de mes traits les plus connus. Vous ririez de voir avec quelle candeur elle me prêche. Elle veut, dit elle, me convertir. Elle ne se doute pas encore de ce qu'il lui en coûtera pour le tenter. Elle est loin de penser qu'en plaidant, pour parler comme elle, pour les infortunées que j'ai perdues, elle parle d'avance dans sa propre cause. Cette idée me vint hier au milieu d'un de ses sermons, et je ne pus me refuser au plaisir de l'interrompre, pour l'assurer qu'elle parlait comme un prophète. Adieu, ma très belle amie. Vous voyez que je ne suis pas perdu sans ressource.



01



05




10




15




20




25




30


Étude menée par : ...

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte est-il représentatif du portrait ?

 

Ouverture sur une question d'entretien

Penser au genre du roman...

 

 

 

Du portrait au topos...

flèche vers haut de page

Texte 3 : La Disparition (1969) - Incipit

Lecture cursive

G. Perec
(1936-1982)

De « Anton Voyl n'arrivait pas... Â» à « ...un air d'Aïda. Â»

Incipit


     Anton Voyl n'arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s'assit dans son lit, s'appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l'ouvrit, il lut ; mais il n'y saisissait qu'un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification.
     Il abandonna son roman sur son lit. Il alla à son lavabo ; il mouilla un gant qu'il passa sur son front, sur son cou.
     Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg.
     Un carillon, plus lourd qu'un glas, plus sourd qu'un tocsin, plus profond qu'un bourdon, non loin, sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif signalait un chaland qui passait.
     Sur l'abattant du vasistas, un animal au thorax indigo, à l'aiguillon safran, ni un cafard, ni un charançon, mais plutôt un artison, s'avançait, traînant un brin d'alfa. Il s'approcha, voulant l'aplatir d'un coup vif, mais l'animal prit son vol, disparaissant dans la nuit avant qu'il ait pu l'assaillir.
     Il tapota d'un doigt un air martial sur l'oblong châssis du vasistas.
     Il ouvrit son frigo mural, il prit du lait froid, il but un grand bol. Il s'apaisait. Il s'assit sur son cosy, il prit un journal qu'il parcourut d'un air distrait. Il alluma un cigarillo qu'il fuma jusqu'au bout quoiqu'il trouvât son parfum irritant. Il toussa.
     Il mit la radio : un air afro-cubain fut suivi d'un boston, puis un tango, puis un fox-trot, puis un cotillon mis au goût du jour. Dutronc chanta du Lanzmann, Barbara un madrigal d'Aragon, Stich-Randall un air d'Aïda.



01



05




10




15


Étude menée par : ...

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte est-il représentatif d'un incipit ?

 

Ouverture sur une question d'entretien

Penser au genre du roman...

 

 

 

Et si le féminin...

flèche vers haut de page

Texte 4 : Mme Bovary (1857) - Le repas des noces

Lecture cursive

Flaubert
(1821-1880)

De « C'était sous le hangar... Â» à « ...et ronflèrent. Â»


     C'était sous le hangar de la charreterie que la table était dressée. Il y avait dessus quatre aloyaux, six fricassées de poulets, du veau à la casserole, trois gigots, et, au milieu, un joli cochon de lait rôti, flanqué de quatre andouilles à l'oseille. Aux angles, se dressait l'eau-de-vie dans des carafes. Le cidre doux en bouteilles poussait sa mousse épaisse autour des bouchons, et tous les verres, d'avance, avaient été remplis de vin jusqu'au bord. De grands plats de crème jaune, qui flottaient d'eux-mêmes au moindre choc de la table, présentaient, dessinés sur leur surface unie, les chiffres des nouveaux époux en arabesques de nonpareille. On avait été chercher un pâtissier à Yvetot, pour les tourtes et les nougats. Comme il débutait dans le pays, il avait soigné les choses ; et il apporta, lui-même, au dessert, une pièce montée qui fit pousser des cris. À la base, d'abord, c'était un carré de carton bleu figurant un temple avec portiques, colonnades et statuettes de stuc tout autour, dans des niches constellées d'étoiles en papier doré ; puis se tenait au second étage un donjon en gâteau de Savoie, entouré de menues fortifications en angélique, amandes, raisins secs, quartiers d'oranges ; et enfin, sur la plate-forme supérieure, qui était une prairie verte où il y avait des rochers avec des lacs de confitures et des bateaux en écales de noisettes, on voyait un petit Amour, se balançant à une escarpolette de chocolat, dont les deux poteaux étaient terminés par deux boutons de rose naturels, en guise de boules, au sommet.
     Jusqu'au soir, on mangea. Quand on était trop fatigué d'être assis, on allait se promener dans les cours ou jouer une partie de bouchon dans la grange ; puis on revenait à table. Quelques-uns, vers la fin, s'y endormirent et ronflèrent.



01



05




10




15


Étude menée par : ...

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte est-il représentatif du naturalisme ?

 

Ouverture sur une question d'entretien

Penser au genre du roman...

 

 

 

énbsp;

flèche vers haut de page

Texte 5 : Germinie Lacerteux (1865) - Portrait de Germinie

Lecture cursive

Les Goncourt
(1830-1896)

De « Germinie était laide... Â» à « ...mystérieuse séduction. Â»

Portrait


     Germinie était laide. Ses cheveux, d'un châtain foncé et qui paraissaient noirs, frisottaient et se tortillaient en ondes revêches, en petites mèches dures et rebelles, échappées et soulevées sur sa tête malgré la pommade de ses bandeaux lissés. Son front petit, poli, bombé, s'avançait de l'ombre d'orbites profondes où s'enfonçaient et se cavaient presque maladivement ses yeux, de petits yeux éveillés, scintillants et ravivés par un clignement de petite fille qui mouillait et allumait leur rire. Ces yeux on ne les voyait ni bruns ni bleus : ils étaient d'un gris indéfinissable et changeant, d'un gris qui n'était pas une couleur, mais une lumière. L'émotion y passait dans le feu de la fièvre, le plaisir dans l'éclair d'une sorte d'ivresse, la passion dans une phosphorescence. Son nez court, relevé, largement troué, avec les narines ouvertes et respirantes, était de ces nez dont le peuple dit qu'il pleut dedans : sur l'une de ses ailes, à l'angle de l'oeil, une grosse veine bleue se gonflait. La carrure de tête de la race lorraine se retrouvait dans ses pommettes larges, fortes, accusées, semées d'une volée de grains de petite vérole. La plus grande disgrâce de ce visage était la trop large distance entre le nez et la bouche. Cette disproportion donnait un caractère presque simiesque au bas de la tête, où une grande bouche, aux dents blanches, aux lèvres pleines, plates et comme écrasées, souriait d'un sourire étrange et vaguement irritant.
      Sa robe décolletée laissait voir son cou, le haut de sa poitrine, ses épaules, la blancheur de son dos, contrastant avec le hâle de son visage. C'était une blancheur de lymphatique, la blancheur à la fois malade et angélique d'une chair qui ne vit pas. Elle avait laissé tomber ses bras le long d'elle, des bras ronds, polis, avec le joli trou d'une fossette au coude. Ses poignets étaient délicats ; ses mains, qui ne sentaient pas le service, avaient des ongles de femme. Et mollement, dans une paresse de grâce, elle laissait jouer et rondir sa taille indolente, une taille à tenir dans une jarretière et que faisaient plus fine encore à l'oeil le ressaut des hanches et le rebondissement des rondeurs ballonnant la robe, une taille impossible, ridicule de minceur, adorable comme tout ce qui, chez la femme, a la monstruosité de la petitesse.
      De cette femme laide, s'échappait une âpre et mystérieuse séduction. L'ombre et la lumière, se heurtant et se brisant à son visage plein de creux et de saillies, y mettait ce rayonnement de volupté jeté par un peintre d'amour dans la pochade du portrait de sa maîtresse. Tout en elle, sa bouche, ses yeux, sa laideur même, avait une provocation et une sollicitation. Un charme aphrodisiaque sortait d'elle, qui s'attaquait et s'attachait à l'autre sexe. Elle dégageait le désir et en donnait la commotion. Une tentation sensuelle s'élevait naturellement et involontairement d'elle, de ses gestes, de sa marche, du moindre de ses remuements, de l'air où son corps avait laissé une de ses ondulations. A côté d'elle, on se sentait près d'une de ces créatures troublantes et inquiétantes, brûlantes du mal d'aimer et l'apportant aux autres, dont la figure revient à l'homme aux heures inassouvies, tourmente ses pensées lourdes de midi, hante ses nuits, viole ses songes.
      Au milieu de l'examen de Mlle de Varandeuil, Germinie se baissa, se pencha sur elle, et lui embrassa la main à baisers pressés.



01



05




10




15




20




25





Étude menée par : ...

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte est-il représentatif du naturalisme ?

 

Ouverture sur une question d'entretien

Penser au genre du roman...

flèche vers haut de page

Texte 6 : La Métamorphose (1912) incipit

Lecture cursive

F. Kafka
(1874-1929)

De « Lorsque Grégor Samsa... Â» à « ...a besoin de sommeil. Â»


Incipit du roman


   Lorsque Grégor Samsa s'éveilla un matin, au sortir de rêves agités, il se trouva dans son lit métamorphosé en un monstrueux insecte. Il reposait sur son dos qui était dur comme une cuirasse, et, en soulevant un peu la tête, il apercevait son ventre bombé, brun, divisé par des arceaux rigides, au sommet duquel la couverture du lit, sur le point de dégringoler tout à fait, ne se maintenait que d'extrême justesse. D'impuissance, ses nombreuses pattes, d'une minceur pitoyable par rapport au volume du reste, papillonnèrent devant ses yeux.

   Â« Qu'est-il advenu de moi ? Â» pensa-t-il. Ce n'était pas un rêve. Sa chambre, une vraie chambre humaine quoiqu'un peu trop petite, était là, paisible entre les quatre murs familiers. Au-dessus de la table, sur laquelle se trouvait déballée une collection d'échantillons de tissus – Samsa était voyageur de commerce –, était accrochée la gravure qu'il avait découpée peu auparavant dans une revue illustrée, et placée dans un joli cadre doré. Cela représentait une dame portant une toque et un boa de fourrure, assise bien droite, qui tendait vers le spectateur un volumineux manchon de fourrure où tout son avant-bras disparaissait.

   Le regard de Grégor se tourna ensuite vers la fenêtre, et le temps maussade – on entendait les gouttes de pluie marteler le zinc de la fenêtre – le rendit tout mélancolique. « Est-ce que je ne ferais pas mieux de dormir encore un peu et d'oublier toute cette bouffonnerie ? Â» pensa-t-il. Mais c'était tout à fait irréalisable, car il avait l'habitude de dormir sur le côté droit, et dans son état présent il ne parvenait pas à se mettre dans cette position. Il avait beau se projeter vers la droite avec toute son énergie, à chaque fois il basculait en arrière, sur le dos. Il essaya peut-être cent fois, en fermant les yeux pour ne pas être obligé de voir le frétillement des pattes, et il ne s'arrêta qu'au moment où soudain il se sentit au flanc une douleur inconnue, légère et sourde.

   Â« Mon Dieu ! Â» pensa-t-il, « quel métier éprouvant ai-je choisi! Tous les jours en voyage, tous les jours. Les contrariétés professionnelles sont beaucoup plus fortes qu'en travaillant sur place au magasin, avec en plus cette corvée des voyages qui m'est imposée, avec les soucis des correspondances pour le train, la mauvaise nourriture sans horaires réguliers, les relations instables avec les gens, toujours interrompues et qui ne deviennent jamais cordiales. Que le diable emporte tout cela ! Â». Il se sentit une légère démangeaison au ventre, en haut ; se rapprocha lentement, sur le dos, du montant du lit, afin de pouvoir mieux soulever la tête ; trouva l'endroit qui le démangeait, tout rempli de minuscules points blancs qu'il ne sut pas s'expliquer ; il voulut tâter l'endroit avec une patte, mais la retira aussitôt, car à ce contact des frissons glacés l'enveloppèrent.

   Il glissa de nouveau dans sa position d'avant.

   Â« Se lever tôt comme ça Â», pensa-t-il, « cela vous abrutit complètement. L'homme a besoin de sommeil. Â»




01



05




10




15




20




25


Étude menée par : ...

Problématique

Situation

ConclusionRemarques

Présence d'un pacte de lecture ?

Incipit

Ouverture sur les autres textes

Le droit à la différence dans nos sociétés...

 

 

 

Le poids des modèles imposés...

flèche vers haut de page

Texte 7 : Brico-Relais incipit

Lecture cursive

Thibault Franc
(1967 ...)

De « Le ressemelage... Â» à « ...des identités Â» (Présenté avec l'aimable autorisation de l'auteur)


Incipit du roman

1. RESSEMELAGE

Le ressemelage, l'affûtage, la plastification.

C'était très probablement une enseigne unique, pas le maillon d'une chaîne franchisée, un de ces magasins de proximité qui avaient tendance à fermer dans le quartier. D'ailleurs une grande surface de bricolage devait bientôt ouvrir sur les quais rénovés, qui dévoilerait la poussière et les prix abusifs du Brico-relais.

Parce que Lazare ne dressait pas la liste du matériel nécessaire à la réfection de l'atelier, il oubliait souvent d'acheter certains articles, ou encore, de nouveaux besoins se présentaient ; aussi faisait-il plusieurs fois par jour l'aller-retour. A chaque fois, la même bande enregistrée ânonnait depuis des haut-parleurs dissimulés dans le plafond les différents services proposés par le magasin. Pour sa part, il n'avait jamais fait ressemeler, affûter ou plastifier quoi que ce soit ici, c'étaient des actions caressées, aussi agréablement possibles qu'une spécialité soulignée, un plat compliqué à commander par avance, agneau entier longuement mijoté, mais la litanie était maintenant fixée dans sonesprit, d'autant qu'il envisageait d'en faire une peinture, ou du moins, un titre amusant et secrètement révélateur de son quotidien, entre l'atelier et le pourvoyeur de vis.

Une seule fois, à Marrakech, le gardien et repousseur de portes de la galerie Bab Doukkala, un ancien champion cycliste plein de douceur, fils de cavalier éduqué à la dure, avait appelé une de ses connaissances de terre-battue, un cordonnier ambulant auquel il offrait une douche et un peu d'ombre pour dormir, afin de doubler la semelle de ses babouches de laine berbère, avec ces clous triangulaires et courts que l'on croirait martelés. Sinon la plupart des souliers de Lazare s'usaient trop vite pour valoir la peine de les ressemeler, et les taches de peintures, lorsqu'il oubliait de changer de chaussures, achevaient de vite reléguer les paires au dessous-de-banc, dans cette société de soldes où l'éternel retour du neuf suspendait les gestes de conservation et d'entretien.

La plastification avait dû représenter à ses yeux d'enfant une merveille technologique, l'âge de maturité de la matière plastique, enfin maîtrisée par le quidam à hauteur de vingt francs, sauvegardant tous les documents, même les douteuses cartes de détectives dessinées en vacances, une machine de plus à côté des photomatons, des chevaux à secousses et des éditeurs de cartes de visites, bientôt dérisoires avec leur naïve iconographie de faire-part de baptême. Le durcissement du papier lui aurait conféré la même autorité qu'un tampon, autre objet irréalisable, éternelle pomme de terre, gomme gravée au cutter, et cette immortalité des embaumés, qui résistent aux tempêtes de sable, aux larves des mouches et aux traces de doigts acides. La plastification officialisait l'existence, à travers le ronron formidable d'une machine au fonctionnement aussi opaque que celui du téléviseur. Sa petite soeur, une simple résistance à rabattre en cuisine sur les sachets plastiques pour les sceller, était tout aussi fascinante, projetant les aliments dans un avenirmeilleur et légèrement teinté de jaune, sous la responsabilité des parents et d'un voyant orange qui claquait quand l'appareil s'était rasséréné.

L'affûtage, à l'inverse, relevait davantage du passé avec son imaginaire pierre à rémouler, presque une lourde roue de moulin, que l'eau versée dessus à mesure rapprochait des arts de la forge. L'armurier avait affûté au passage le couteau de botte, que Lazare avait ramené un jour parce qu'il jouait dans l'étui. Ainsi l'arme et l'outil retrouvaient leur pouvoir aux dépens d'un amenuisement semblable à l'épuisement des étoiles, une disparition programmée. Le monde adulte des lames, des coureurs de bois et des copeaux sur la route était aussi celui, mortifère, de la rouille mal huilée à l'olive première pression à froid et du fer émoussé, pointe cassée sur un caillou, papier de verre à gros grains maladroits. Acier trompé, fil de lame ou fils de dame condamnés à disparaître, sans cette armure vantée, sans les semelles de vent, les ailes bien chevillées, le monde pointu toujours et la préservation des identités.




01



05




10




15




20




25




30




35





Étude menée par : ...

Problématique

Situation

ConclusionRemarques

Présence d'un pacte de lecture ?

 

Ouverture sur les autres textes

 

Webdesigner
Flèche
Φ - Menu