Objet d'étude :
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Texte 1 : Toute la lyre (1888)Poésie didactique ? Lecture cursive | Victor Hugo |
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De « L'amour fut... » à « ...la patte à son chien. » |
L'amour fut de tout temps un bien rude Ananké. Si l'on ne veut pas être à la porte flanqué, Dès qu'on aime une belle, on s'observe, on se scrute ; On met le naturel de côté ; bête brute, On se fait ange ; on est le nain Micromégas ; Surtout on ne fait point chez elle de dégâts ; On se tait, on attend, jamais on ne s'ennuie, On trouve bon le givre et la bise et la pluie, On n'a ni faim, ni soif, on est de droit transi ; Un coup de dent de trop vous perd. Oyez ceci : Un brave ogre des bois, natif de Moscovie, Était fort amoureux d'une fée, et l'envie Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut : L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue, Se présente au palais de la fée, et salue, Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky. La fée avait un fils, on ne sait pas de qui. Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche, Bel enfant blond nourri de crème et de brioche, Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso, Il était sous la porte et jouait au cerceau. On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre. Comment passer le temps quand il neige en décembre. Et quand on n'a personne avec qui dire un mot ? L'ogre se mit alors à croquer le marmot. C'est très simple. Pourtant c'est aller un peu vite, Même lorsqu'on est ogre et qu'on est moscovite, Que de gober ainsi les mioches du prochain. Le bâillement d'un ogre est frère de la faim. Quand la dame rentra, plus d'enfant. On s'informe. La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme. As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ? Le bon ogre naïf lui dit : Je l'ai mangé. Or, c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire, Jugez ce que devint l'ogre devant la mère Furieuse qu'il eût soupé de son dauphin. Que l'exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin ; Adorez votre belle, et soyez plein d'astuce ; N'allez pas lui manger, comme cet ogre russe, Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien. |
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Texte 2 : Contes et nouvelles, 1665Poésie didactique ? Lecture cursive | La Fontaine |
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De « Messire Artus... » à « ...l'avoir si mal pris. » |
"Messire Artus sous le grand roi François, Alla servir aux guerres d'Italie ; Tant qu'il se vit, après maints beaux exploits, Fait chevalier en grand' cérémonie. Son général lui chaussa l'éperon ; Dont il croyait que le plus haut baron Ne lui dût plus contester le passage. Si s'en revint tout fier en son village, Où ne surprit sa femme en oraison. Seule il l'avait laissée à la maison ; Il la retrouve en bonne compagnie, Dansant, sautant, menant joyeuse vie, Et des muguets avec elle à foison. Messire Artus ne prit goût à l'affaire ; Et ruminant sur ce qu'il devait faire « Depuis que j'ai mon village quitté, Si j'étais crû, dit-il, en dignité De cocuage et de chevalerie ? C'est moitié trop : sachons la vérité. » Pour ce s'avise, un jour de confrérie, De se vêtir en prêtre, et confesser. Sa femme vient à ses pieds se placer. De prime abord sont par la bonne dame Expédiés tous les péchés menus ; Puis, à leur tour les gros étant venus, Force lui fut qu'elle changeât de gamme. « Père, dit-elle, en mon lit sont reçus Un gentilhomme, un chevalier, un prêtre. » Si le mari ne se fût fait connaître, Elle en allait enfiler beaucoup plus ; Courte n'était, pour sûr, la kyrielle. Son mari donc l'interrompt là-dessus, Dont bien lui prit : « Ah ! dit-il, infidèle ! Un prêtre même ! À qui crois-tu parler ? - À mon mari, dit la fausse femelle, Qui d'un tel pas se sut bien démêler, Je vous ai vu dans ce lieu vous couler, Ce qui m'a fait douter du badinage. C'est un grand cas qu'étant homme si sage Vous n'ayez su l'énigme débrouiller ! On vous a fait, dites-vous, chevalier ; Auparavant vous étiez gentilhomme ; Vous êtes prêtre avecque ces habits. - Béni soit Dieu ! dit alors le bon homme ; Je suis un sot de l'avoir si mal pris. » |
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Texte 3 : Contes et nouvelles, 1665Lecture cursive | La Fontaine |
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De « J'ai lieu d'appréhender... » à « ...trouvé d'autres. » |
J'ai lieu d'appréhender des objections bien plus importantes. On m'en peut faire deux principales : l'une, que ce livre est licencieux ; l'autre, qu'il n'épargne pas assez le beau sexe. Quant à la première, je dis hardiment que la nature du conte le voulait ainsi ; étant une loi indispensable, selon Horace, ou plutôt selon la raison et le sens commun, de se conformer aux choses dont on écrit. Or, qu'il ne m'ait été permis d'écrire de celles-ci, comme tant d'autres l'ont fait et avec succès, je ne crois pas qu'on le mette en doute ; et l'on ne me saurait condamner que l'on ne condamne aussi l'Arioste devant moi, et les anciens devant l'Arioste. On me dira que j'eusse mieux fait de supprimer quelques circonstances, ou tout au moins de les déguiser. Il n'y avait rien de plus facile ; mais cela aurait affaibli le conte, et lui aurait ôté de sa grâce. Tant de circonspection n'est nécessaire que dans les ouvrages qui promettent beaucoup de retenue dès l'abord, ou par leur sujet, ou par la manière dont on les traite. Je confesse qu'il faut garder en cela des bornes, et que les plus étroites sont les meilleures : aussi faut-il m'avouer que trop de scrupule gâterait tout. Qui voudrait réduire Boccace à la même pudeur que Virgile ne ferait assurément rien qui vaille, et pécherait contre les lois de la bienséance, en prenant à tâche de les observer. Car, afin que l'on ne s'y trompe pas, en matière de vers et de prose, l'extrême pudeur et la bienséance sont deux choses bien différentes. Cicéron fait consister la dernière à dire ce qu'il est à propos qu'on dise eu égard au lieu, au temps, et aux personnes qu'on entretient. Ce principe une fois posé, ce n'est pas une faute de jugement que d'entretenir les gens d'aujourd'hui de contes un peu libres. Je ne pèche pas non plus en cela contre la morale. S'il y a quelque chose dans nos écrits qui puisse faire impression sur les âmes, ce n'est nullement la gaieté de ces contes ; elle passe légèrement : je craindrais plutôt une douce mélancolie, où les romans les plus chastes et les plus modestes sont très capables de nous plonger, et qui est une grande préparation pour l'amour. Quant à la seconde objection, par laquelle on me reproche que ce livre fait tort aux femmes, on aurait raison si je parlais sérieusement ; mais qui ne voit que ceci est jeu, et par conséquent ne peut porter coup ? Il ne faut pas avoir peur que les mariages en soient à l'avenir moins fréquents, et les maris plus fort sur leurs gardes. On me peut encore objecter que ces contes ne sont pas fondés, ou qu'ils ont partout un fondement aisé à détruire ; enfin, qu'il y a des absurdités, et pas la moindre teinture de vraisemblance. Je réponds en peu de mots que j'ai mes garants ; et puis ce n'est ni le vrai ni le vraisemblable qui font la beauté et la grâce de ces choses-ci ; c'est seulement la manière de les conter. Voilà les principaux points sur quoi j'ai cru être obligé de me défendre. J'abandonne le reste aux censeurs : aussi bien serait-ce une entreprise infinie que de prétendre répondre à tout. Jamais la critique ne demeure court, ni ne manque de sujets de s'exercer : quand ceux que je puis prévoir lui seraient ôtés, elle en aurait bientôt trouvé d'autres. (Sources citées par La Fontaine : Térence, Boccace, Herberay - Amadis, Rabelais) |
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Texte 4 : Le chant du styrène (1vers 1958)Poésie didactique ? Lecture cursive | Raymond Queneau |
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De « Ô temps,... » à « ...d'autres documentaires. » |
Ô temps, suspends ton bol, ô matière plastique D'où viens-tu ? Qui es-tu ? Et qu'est-ce qui explique Tes rares qualités ? De quoi es-tu donc fait ? Quelle est ton origine ? En partant d'un objet Retrouvons ses aïeux ! Qu'à l'envers se déroule Son histoire exemplaire. Voici d'abord, le moule. Incluant la matrice. Être mystérieux, Il engendre le bol ou bien tout ce qu'on veut. Mais le moule est lui-même inclus dans une presse Qui injecte la pâte et conforme la pièce. Ce qui présente donc le très grand avantage D'avoir, l'objet fini sans autre façonnage. Le moule coûte cher ! c'est un inconvénient. Mais il peut resservir sur d'autres continents. Le formage sous vide est une autre façon D'obtenir des objets : par simple aspiration. À l'étape antérieure, adroitement rangé, Le matériau tiédi est en plaque extrudé. Pour entrer dans la buse il fallait le piston Et le manchon chauffant - ou le chauffant manchon - Auquel on fournissait. Quoi ? Le polystyrène Vivace et turbulent qui se hâte et s'égrène. Et l'essaim granulé sur le tamis vibrant Fourmillait tout heureux d'un si beau colorant. Avant d'être granule on avait été jonc, Joncs de toutes couleurs, teintes, nuances, tons. Ces joncs avaient été, suivant une filière, Un boudin que sans fin une vis agglomère. Et ce qui donnait lieu à l'agglutination ? Des perles colorées de toutes les façons. Et colorées comment ? Là, devient homogène Le pigment qu'on mélange à du polystyrène. Mais avant il fallut que le produit séchât Et, rotativement, le produit trébucha. C'est alors que naquit notre polystyrène. Polymère produit du plus simple styrène. Polymérisation : ce mot, chacun le sait, Désigne l'obtention d'un complexe élevé De poids moléculaire. Et dans un otoclave, Machine élémentaire à la panse concave, Les molécules donc s'accrochant et se liant En perles se formaient. Oui, mais, auparavant ? Le styrène n'était qu'un liquide incolore Quelque peu explosif, et non pas inodore. Et regardez-le bien ! c'est la seule occasion Pour vous d'apercevoir le liquide en question. Le styrène est produit en grande quantité À partir de l'éthyl-benzène surchauffé. Faut un catalyseur comme cela se nomme Oxyde ou bien de zinc ou bien de magnésium. Le styrène autrefois s'extrayait du benjoin, Provenant du styrax, arbuste indonésien. De tuyau en tuyau ainsi nous remontons, À travers le désert des canalisations, Vers les produits premiers, vers la matière abstraite Qui circulait sans fin, effective et secrète. On lave et on distille et puis on redistille Et ce ne sont pas là exercices de style : L'éthylbenzène peut - et doit même - éclater Si la température atteint certain degré. Il faut se demander maintenant d'où proviennent Ces produits essentiels : éthylène et benzène. Ils s'extraient du pétrole, un liquide magique Qu'on trouve de Bordeaux jusqu'au cœur de l'Afrique. Ils s'extraient du pétrole et aussi du charbon Pour faire l'un et l'autre et l'autre et l'un sont bons. Se transformant en gaz le charbon se combure Et donne alors naissance à ces hydrocarbures. On pourrait repartir sur ces nouvelles pistes Et rechercher pourquoi et l'un et l'autre existent. Le pétrole vient-il de masses de poissons ? On ne le sait pas trop. Ni d'où vient le charbon. Le pétrole vient-il du plancton en gésine ? Question controversée... obscures origines... Et pétrole et charbon s'en allaient en fumée Quand le chimiste vint, il eut l'heureuse idée De rendre ces nuées solides et d'en faire D'innombrables objets au but utilitaire. En matériaux nouveaux ces obscurs résidus Sont ainsi transformés. Il en est d'inconnus Qui attendent encor la mutation chimique Pour mériter enfin la vente à prix unique Qui attendent encor un travail similaire, Pour faire le sujet d'autres documentaires. |
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Texte 5 : Le chant du styrène (20/03/1958)Prose didactique ? Lecture cursive | Version écrite par Pechiney - |
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De « Un univers... » à « ...dans l'atmosphère. » |
Version écrite par Pechiney - 20/03/1958
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Texte 6 : Le chien à la mandoline (1956)Poésie didactique ? Lecture cursive | Raymond Queneau |
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De « Prends ces mots,... » à « ...ils sont faits . » |
La chair chaude des mots
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Texte 7 : Recueil de Douai (1870)Poésie didactique et tableau de genre ? Lecture cursive | Arthur Rimbaud |
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De « Noirs... » à « ...vent d'hiver. » |
Les Effarés Noirs dans la neige et dans la brume, Au grand soupirail qui s'allume, Leurs culs en rond [,] À genoux, cinq petits, — misère ! — Regardent le boulanger faire Le lourd pain blond [.] Ils voient le fort bras blanc qui tourne La pâte grise, et qui l'enfourne Dans un trou clair. Ils écoutent le bon pain cuire. Le boulanger au gras sourire Chante un vieil air. Ils sont blottis, pas un ne bouge, Au souffle du soupirail rouge, Chaud comme un sein. Quand, pour quelque médianoche, Façonné comme une brioche, On sort le pain, Quand, sur les poutres enfumées, Chantent les croûtes parfumées, Et les grillons, Quand ce trou chaud souffle la vie Ils ont leur âme si ravie, Sous leurs haillons, Ils se ressentent si bien vivre, Les pauvres Jésus pleins de givre, Qu'ils sont là, tous, Collant leurs petits museaux roses Au grillage, grognant des choses Entre les trous, Tout bêtes, faisant leurs prières, Et repliés vers ces lumières Du ciel rouvert, Si fort, qu'ils crèvent leur culotte, Et que leur chemise tremblote Au vent d'hiver. |
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