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Objet d'étude :
La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation
(du XVIe à nos jours)

Problématique : « Dans quelle mesure dystopie et SF, argumentent au service d'une vision de l'homme et du monde... »

I - Plan de travail : rappel du corpus

Objet 2, séq. 2 : étude d'une oeuvre intégrale Objet 2, séq. 3
GT 1 : image de la femme
Objet 2, séq. 1
GT 2 : utopie et argumentation
Objet 2, séq. 4
GT 3 : apports culturels
Animal'z de E. Bilal   Rousseau (Émile, 1762) Utopia (Th. More) Amaurote :
(définir Eutopie et Contre Utopie)
New York in le 5e élément
(Luc Besson)
Incipit   Laclos (Liaisons, 1782) Le Meilleur des mondes (A. Huxley) Los Angeles in Blade Runner
(Ridley Scott)
Récit éclaté   Staël (De la Littérature, 1800) Autre monde (C. Bergerac) Coruscant in Star Wars
(G. Lucas)
Entrée des personnages   Anouilh (Antigone, 1944) Candide Chap.18 (Voltaire) La ville in Matrix
(Wlachowski)
Science et SF   Yourcenar (Yeux ouverts, 1980) Thélème (Rabelais) New York in Immortel
(Enki Bilal)
Excipit   Nothomb (Stupeur, 1999) Nous Autres (Zamiatine)  
         
      Atlantide (Platon)

 


Capsule : aide au commentaire (oral ou écrit)

II- Analyse des 6 textes :

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Texte 1 : Émile (1762)

Lecture analytique

Rousseau
(1712-1778)

''La femme est...'' à ''...volonté d'autrui.''


     La femme est faite spécialement pour plaire à l'homme ; si l'homme doit lui plaire à son tour, c'est d'une nécessité moins directe, son mérite est dans sa puissance, il plaît par cela seul qu'il est fort. Ce n'est pas ici la loi de l'amour, j'en conviens ; mais c'est celle de la nature, antérieure à l'amour même. Cultiver dans les femmes les qualités de l'homme et négliger celles qui leur sont propres, c'est donc visiblement travailler à leur préjudice : les rusées le voient trop bien pour en être les dupes ; en tâchant d'usurper nos avantages elles n'abandonnent pas les leurs ; mais il arrive de là que, ne pouvant bien ménager les uns et les autres, parce qu'ils sont incompatibles, elles restent au dessous de leur portée sans se mettre à la nôtre, et perdent la moitié de leur prix. Croyez moi, mère judicieuse, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour donner un démenti à la nature, faites en une honnête femme, et soyez sûre qu'elle en vaudra mieux pour elle et pour nous.
     L'inconstance des goûts leur est aussi funeste que les excès, et l'un et l'autre leur vient de la même source. Ne leur ôtez pas la gaieté, les ris, le bruit, les folâtres jeux, mais empêchez qu'elles ne se rassasient de l'un pour courir à l'autre, ne souffrez pas qu'un seul instant de leur vie elles ne connaissent plus de frein. Accoutumez-les à se voir interrompre au milieu de leurs jeux et ramener à d'autres soins sans murmurer. La seule habitude suffit encore en ceci, parce qu'elle ne fait que seconder la nature.
     Il résulte de cette contrainte une docilité dont les femmes ont besoin toute leur vie, puisqu'elles ne cessent jamais d'être assujetties ou à un homme ou aux jugements des hommes, et qu'il ne leur est jamais permis de se mettre au dessus de ces jugements. La première et la plus importante qualité d'une femme est la douceur ; faite pour obéir à un être aussi imparfait que l'homme, souvent si plein de vices, et toujours si plein de défauts, elle doit apprendre de bonne heure à souffrir même l'injustice, et à supporter les torts d'un mari sans se plaindre ; ce n'est pas pour lui, c'est pour elle qu'elle doit être douce : l'aigreur et l'opiniâtreté des femmes ne font jamais qu'augmenter leurs maux et les mauvais procédés des maris ; ils sentent que ce n'est pas avec ces armes là qu'elles doivent les vaincre. Le ciel ne les fit point insinuantes et persuasives pour devenir acariâtres ; il ne les fit point faibles pour être impérieuses ; il ne leur donna point une voix si douce pour dire des injures ; il ne leur fit point des traits si délicats pour les défigurer par la colère. Quand elles se fâchent, elles s'oublient ; elles ont souvent raison de se plaindre, mais elles ont toujours tort de gronder. Chacun doit garder le ton de son sexe ; un mari trop doux peut rendre une femmes impertinente ; mais à moins qu'un homme ne soit un monstre, la douceur d'une femme le ramène et triomphe de lui tôt ou tard.
     Justifiez toujours les soins que vous imposez aux jeunes filles, mais imposez leur en toujours. L'oisiveté et l'indocilité sont les deux défauts les plus dangereux pour elles et dont on guérit le moins quand on les a contractés. Les filles doivent être vigilantes et laborieuses ; ce n'est pas tout ; elles doivent être gênées de bonne heure. Ce malheur, si c'en est un pour elles, est inséparable de leur sexe, et jamais elles ne s'en délivrent que pour en souffrir de bien plus cruels. Elles seront toute leur vie asservies à la gêne la plus continuelle qui est celle des bienséances : il faut les exercer d'abord à la contrainte, afin qu'elle ne leur coûte jamais rien, à dompter toutes leurs fantaisies pour les soumettre aux volontés d'autrui.


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Étude menée par :  

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte a-t-il une portée didactique ?

Image de la ''femme''

 

 

Quelle est sa place dans le groupement de textes ?

Image d'un auteur dans son siècle

 

 

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Texte 2 : Les Liaisons dangereuses(L.81, 1782)

Lecture analytique

Laclos
(1741-1803)

''Croyez-moi,...'' à ''... mon gré.''


Les lumières : littérature d'engagements


     Croyez-moi, Vicomte, on acquiert rarement les qualités dont on peut se passer. Combattant sans risque, vous devez agir sans précaution. Pour vous autres hommes, les défaites ne sont que des succès de moins. Dans cette partie si inégale, notre fortune l'est de ne pas perdre, et votre malheur de ne pas gagner. Quand je vous accorderais autant de talents qu'à nous, de combien encore ne devrions-nous pas vous surpasser, par la nécessité où nous sommes d'en faire un continuel usage !
     Supposons, j'y consens, que vous mettiez autant d'adresse à nous vaincre, que nous à nous défendre ou à céder, vous conviendrez au moins qu'elle vous devient inutile après le succès. Uniquement occupé de votre nouveau goût, vous vous y livrez sans crainte, sans réserve : ce n'est pas à vous que sa durée importe.
     En effet, ces liens réciproquement donnés et reçus, pour parler le jargon de l'amour, vous seul pouvez, à votre choix, les resserrer ou les rompre : heureuses encore, si dans votre légèreté, préférant le mystère à l'éclat, vous vous contentez d'un abandon humiliant, et ne faites pas de l'idole de la veille la victime du lendemain.
     Mais qu'une femme infortunée sente la première le poids de sa chaîne, quels risques n'a-t-elle pas à courir, si elle tente de s'y soustraire, si elle ose seulement la soulever ? Ce n'est qu'en tremblant qu'elle essaie d'éloigner d'elle l'homme que son cœur repousse avec effort. S'obstine-t-il à rester, ce qu'elle accordait à l'amour, il faut le livrer à la crainte : Ses bras s'ouvrent encore, quand son cœur est fermé. Sa prudence doit dénouer avec adresse ces mêmes liens que vous auriez rompus. À la merci de son ennemi, elle est sans ressource, s'il est sans générosité : et comment en espérer de lui, lorsque, si quelquefois on le loue d'en avoir, jamais pourtant on ne le blâme d'en manquer ?
     Sans doute, vous ne nierez pas ces vérités que leur évidence a rendues triviales. Si cependant vous m'avez vue, disposant des événements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables le jouet de mes caprices ou de mes fantaisies ; ôter aux uns la volonté, aux autres la puissance de me nuire ; si j'ai su tour à tour, et suivant mes goûts mobiles, attacher à ma suite ou rejeter loin de moi « Ces Tyrans détrônés devenus mes esclaves ; * si, au milieu de ces révolutions fréquentes, ma réputation s'est pourtant conservée pure ; n'avez-vous pas dû en conclure que, née pour venger mon sexe et maîtriser le vôtre, j'avais su me créer des moyens inconnus jusqu'à moi ? […]
     Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j'étais vouée par état au silence et à l'inaction, j'ai su en profiter pour observer et réfléchir.
     Tandis qu'on me croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu'on s'empressait à me tenir, je recueillais avec soin ceux qu'on cherchait à me cacher.
     Cette utile curiosité, en servant à m'instruire, m'apprit encore à dissimuler : forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux de ceux qui m'entouraient, j'essayai de guider les miens à mon gré.

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Notes
La marquise de Merteuil (
Les liaisons dangereuses de Laclos, extraits de la lettre 81) explique (à son comparse Valmont) la condition de la femme. Ici elle parle de la relation homme / femme et de leur éducation.




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Étude menée par : 1 S

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

Comment Mme de Merteuil expose-t-elle sa pensée sur l'éducation des femmes ?

Texte argumentatif très construit

 

Il serait bon de faire référence au groupement de textes

 

L'expression d'un désaccord sur les finalités de l'éducation

 

 

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Texte 3 : De la littérature (1800)

Lecture analytique

Mme de Staël
(1766-1817)

''L'existence des femmes...'' à ''...que la pitié.''



   L'existence des femmes en société est encore incertaine sous beaucoup de rapports. Le désir de plaire excite leur esprit ; la raison leur conseille l'obscurité ; et tout est arbitraire dans leur succès comme dans leurs revers.
   Il arrivera, je le croîs, une époque où les législateurs philosophes donneront une attention sérieuse à l'éducation que les femmes doivent recevoir, aux lois civiles qui les protègent, aux devoirs qu'il faut leur imposer, au bonheur qui peut leur être garanti ; mais, dans l'état actuel, elles ne sont, pour la plupart, ni dans l'ordre de la nature, ni dans l'ordre de la société. Ce qui réussît aux unes perd les autres ; les qualités leur nuisent quelquefois, quelquefois les défauts leur servent ; tantôt elles sont tout, tantôt elles ne sont rien. Leur destinée ressemble, à quelques égards, à celle des affranchis chez les empereurs : si elles veulent acquérir de l'ascendant, on leur fait un crime d'un pouvoir que les lois ne leur ont pas donné ; si elles restent esclaves, on opprime leur destinée.
   Certainement il vaut bien mieux, en général, que les femmes se consacrent uniquement aux vertus domestiques ; mais ce qu'il y a de bizarre dans les jugements des hommes à leur égard, c'est qu'ils leur pardonnent plutôt de manquer à leurs devoirs que d'attirer les regards par des talents distingués ; ils tolèrent en elles la dégradation du cœur en faveur de la médiocrité de l'esprit, tandis que l'honnêteté la plus parfaite a peine à obtenir grâce pour une supériorité véritable. [...]
   Dès qu'une femme est signalée comme une personne distinguée, le public en général est prévenu contre elle. Le vulgaire ne juge jamais que d'après certaines règles communes, auxquelles on peut se tenir sans s'aventurer. Tout ce qui sort de ce cours habituel déplaît d'abord à ceux qui considèrent la routine de la vie comme la sauvegarde de la médiocrité. Un homme supérieur déjà les effarouche ; mais une femme supérieure, s'éloignant encore plus du chemin frayé, doit étonner et, par conséquent, importuner davantage. Néanmoins, un homme distingué ayant presque toujours une carrière importante à parcourir, ses talents peuvent devenir utiles aux intérêts de ceux-mêmes qui attachent le moins de prix aux charmes de la pensée. L'homme de génie peut devenir un homme puissant et, sous ce rapport, les envieux et les sots le ménagent ; mais une femme spirituelle n'est appelée à leur offrir que ce qui les intéresse le moins, des idées nouvelles ou des sentiments élevés sa célébrité n'est qu'un bruit fatigant pour eux. [...]
   Ce n'est pas tout encore : l'opinion semble dégager les hommes de tous les devoirs envers une femme à laquelle un esprit supérieur serait reconnu : on peut être ingrat, perfide, méchant envers elle sans que l'opinion se charge de la venger. N'est-elle pas une femme extraordinaire ? Tout est dît, alors ; on l'abandonne à ses propres forces, on la laisse se débattre avec la douleur. L'intérêt qu'inspire une femme, la puissance qui garantît un homme, tout lui manque souvent à la fois : elle promène sa singulière existence, comme les parias de l'Inde, entre toutes les classes dont elle ne peut être, toutes les classes qui la considèrent comme devant exister par elle seule : objet de la curiosité, peut-être de l'envie, et ne méritant, en effet, que la pitié.



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Étude menée par : 1 S

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte a-t-il une portée didactique ?

Place de la femme ?

 

 

 

 

 

 

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Texte 4 : Antigone (1944)

Lecture analytique

Anouilh
(1910-1987)

''Marie toi vite...'' à ''...sale espoir !''


Confrontation Antigone et Créon



CRÉON. [...] Marie-toi vite, Antigone, sois heureuse. La vie n'est pas ce que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-la. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote assis au soleil. Ils te diront tous le contraire parce qu'ils ont besoin de ta force et de ton élan. Ne les écoute pas. Ne m'écoute pas quand je ferai mon prochain discours devant le tombeau d'Etéocle. Ce ne sera pas vrai. Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas... Tu l'apprendras toi aussi, trop tard, la vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison. Tu vas me mépriser encore, mais de découvrir cela, tu verras, c'est la consolation dérisoire de vieillir, la vie, ce n'est peut-être tout de même que le bonheur.
ANTIGONE, murmure, le regard perdu. Le bonheur...
CRÉON, a un peu honte soudain. Un pauvre mot, hein ?
ANTIGONE, doucement. Quel sera-t-il, mon bonheur ? Quelle femme heureuse deviendra-t-elle, la petite Antigone ? Quelles pauvretés faudra-t-il qu'elle fasse elle aussi, jour par jour, pour arracher avec ses dents son petit lambeau de bonheur ? Dites, à qui devra-t-elle mentir, à qui sourire, à qui se vendre ? Qui devra-t-elle laisser mourir en détournant le regard ?
CRÉON, hausse les épaules. Tu es folle, tais-toi.
ANTIGONE. Non, je ne me tairai pas ! Je veux savoir comment je m'y prendrai, moi aussi, pour être heureuse. Tout de suite, puisque c'est tout de suite qu'il faut choisir. Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
CRÉON. Tu aimes Hémon ?
ANTIGONE. Oui, j'aime Hémon. J'aime un Hémon dur et jeune ; un Hémon exigeant et fidèle, comme moi. Mais si votre vie, votre bonheur doivent passer sur lui avec leur usure, si Hémon ne doit plus pâlir quand je pâlis, s'il ne doit plus me croire morte quand je suis en retard de cinq minutes, s'il ne doit plus se sentir seul au monde et me détester quand je ris sans qu'il sache pourquoi, s'il doit devenir près de moi le monsieur Hémon, s'il doit apprendre à dire « oui », lui aussi, alors je n'aime plus Hémon !
CRÉON. Tu ne sais plus œ que tu dis. Tais-toi.
ANTIGONE. Si, je sais ce que je dis, mais c'est vous qui ne m'entendez plus. Je vous parle de trop loin maintenant, d'un royaume où vous ne pouvez plus entrer avec vos rides, votre sagesse, votre ventre. (Elle rit.) Ah ! je ris, Créon, je ris parce que je te vois à quinze ans, tout d'un coup ! C'est le même air d'impuissance et de croire qu'on peut tout. La vie t'a seulement ajouté tous ces petits plis sur le visage et cette graisse autour de toi.
CRÉON, la secoue. Te tairas-tu, enfin ?
ANTIGONE. Pourquoi veux tu me faire taire ? Parce que tu sais que j'ai raison ? Tu crois que je ne lis pas dans tes yeux que tu le sais ? Tu sais que j'ai raison, mais tu ne l'avoueras jamais parce que tu es en train de défendre ton bonheur en ce moment comme un os.
CRÉON. Le tien et le mien, oui, imbécile !
ANTIGONE. Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, — et que ce soit entier — ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite — ou mourir.
CRÉON. Allez, commence, commence, comme ton père !
ANTIGONE. Comme mon père, oui ! Nous sommes de ceux qui posent les questions jusqu'au bout. Jusqu'à ce qu'il ne reste vraiment plus la petite chance d'espoir vivante, la plus petite chance d'espoir à étrangler. Nous sommes de ceux qui lui sautent dessus quand ils le rencontrent, votre espoir, votre cher espoir, votre sale espoir !





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Étude menée par :  

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

Dans quelle mesure... art de convaincre?

 

 

Attention il s'agit d'une confrontation

 

 

 

Dialogue de théâtre

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Texte 5 : Les Yeux ouverts (1980)

Lecture analytique

Marguerite Yourcenar
(1903-1987)

''J'ai de fortes objections...'' à ''...une morne uniformité.''


   J'ai de fortes objections au féminisme tel qu'il se présente aujourd'hui. La plupart du temps, il est agressif, et ce n'est pas par l'agression qu'on parvient durablement à quelque chose. Ensuite, et ceci vous paraîtra sans doute paradoxal, il est conformiste, du point de vue de l'établissement social, en ce sens que la femme semble aspirer à la liberté et au bonheur du bureaucrate qui part chaque matin, une serviette sous le bras, ou de l'ouvrier qui pointe dans une usine. Cet homo sapiens des sociétés bureaucratiques et technocratiques est l'idéal qu'elle semble vouloir imiter sans voir les frustrations et les dangers qu'il comporte, parce qu'en cela, pareille aux hommes, elle pense en termes de profit immédiat et de succès individuel. Je crois que l'important pour la femme est de participer le plus possible à toutes les causes utiles, et d'imposer cette participation par sa compétence. Même en plein XIXe siècle, les autorités anglaises se sont montrées brutales et grossières envers Florence Nightingale à l'hôpital de Scutari : elles n'ont pas pu se passer d'elle. Tout gain obtenu par la femme dans la cause des droits civiques, de l'urbanisme, de l'environnement, de la protection de l'animal, de l'enfant et des minorités humaines, toute victoire contre la guerre, contre la monstrueuse exploitation de la science en faveur de l'avidité et de la violence, est celle de la femme, sinon du féminisme, et ce sera celle du féminisme par surcroît. Je crois même la femme peut-être plus à même de se charger de ce rôle que l'homme, à cause de son contact journalier avec les réalités de la vie, que l'homme ignore souvent plus qu'elle.
   Je trouve aussi regrettable de voir la femme jouer sur les deux tableaux : de voir, par exemple, des revues, pour se conformer à la mode (car les opinions sont aussi des modes) qui publient des articles féministes supposés incendiaires, tout en offrant à leurs lectrices, qui les feuillettent distraitement chez le coiffeur, le même nombre de photographies de jolies filles, ou plutôt de filles qui seraient jolies si elles n'incarnaient trop évidemment des modèles publicitaires ; la curieuse psychologie commerciale de notre temps impose ces expressions boudeuses, prétendument séduisantes, aguicheuses ou sensuelles, à moins qu'elles ne frôlent même l'érotisme de la demi nudité, si l'occasion s'en présente.
   Que les féministes acceptent ce peuple de femmes-objets m'étonne. Je m'étonne aussi qu'elles continuent de se livrer de façon grégaire à la mode comme si la mode se confondait avec l'élégance, et que des millions d'entre elles acceptent, dans une inconscience complète, le supplice de tous ces animaux martyrisés pour essayer sur eux des produits cosmétiques, quand ils n'agonisent pas dans des pièges, ou assommés sur la glace, pour assurer à ces mêmes femmes des parures sanglantes. Qu'elles les acquièrent avec de l'argent librement gagné par elle dans une ''carrière'' ou offert par un mari ou un amant ne change rien au problème. Aux États-Unis, je crois que le jour où la femme aura réussi à interdire qu'un portrait de jeune fille qui fume d'un petit air de défi pousse le lecteur de magazines à s'acheter des cigarettes que trois lignes presque invisibles au bas de la page déclarent nocives et cancérigènes, la cause des femmes aura fait un grand pas.
   Enfin, les femmes qui disent ''les hommes'' et les hommes qui disent ''les femmes'', généralement pour s'en plaindre dans un groupe comme dans l'autre, m'inspirent un immense ennui, comme tous ceux qui ânonnent toutes les formules conventionnelles. Il y a des vertus spécifiquement ''féminines'' que les féministes font mine de dédaigner, ce qui ne signifie pas d'ailleurs qu'elles aient été jamais l'apanage de toutes les femmes : la douceur, la bonté, la finesse, la délicatesse, vertus si importantes qu'un homme qui n'en posséderait pas au moins une petite part serait une brute et non un homme. Il y a des vertus dites ''masculines'', ce qui ne signifie pas plus que tous les hommes les possèdent : le courage, l'endurance, l'énergie physique, la maîtrise de soi, et la femme qui n'en détient pas au moins une partie n'est qu'un chiffon, pour ne pas dire une chiffe. J'aimerais que ces vertus complémentaires servent également au bien de tous. Mais supprimer les différences qui existent entre les sexes, si variables et si fluides que ces différences sociales et psychologiques puissent être, me paraît déplorable comme tout ce qui pousse le genre humain, de notre temps, vers une morne uniformité.


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Étude menée par :  

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce texte a-t-il une portée didactique ?

Rejet d'un certain ''féminisme''

 

 

Quelle est sa place dans le groupement de textes ?

Une action envisagée

 

 

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Texte 6 : Stupeur et tremblements (1999)

Lecture analytique

Amélie Nothomb
(1967-20??)

'''Au début,...'' à ''...J'avais réussi.''


Confrontation Amélie San et "sa supérieure"



"- Au début, je pensais que vous aviez le désir de saboter Yumimoto. Jurez-moi que vous ne faisiez pas exprès d'être stupide.
- Je le jure.
- Êtes-vous consciente de votre handicap?
- Oui. La compagnie Yumimoto m'a aidée à m'en apercevoir."
Le visage de ma supérieure demeurait impassible mais je sentais à sa voix que sa bouche se desséchait. J'étais heureuse de lui fournir enfin un moment de volupté.
- L'entreprise vous a donc rendu un grand service.
- Je lui en serai pleine de gratitude pour l'éternité.
J'adorais le tour surréaliste que prenait cet échange qui hissait Fubuki vers un septième ciel inattendu. Au fond, c'était un moment très émouvant.
" Chère tempête de neige, si je puis, à si peu de, frais, être l'instrument de ta jouissance, ne te gêne surtout pas, assaille-moi de tes flocons âpres et durs, de tes grêlons taillés comme des silex, tes nuages sont si lourds de rage, j'accepte d'être la mortelle perdue dans la montagne sur laquelle ils déchargent leur colère, je reçois en pleine figure leurs mille postillons glacés, il ne m'en coûte guère et c'est un beau spectacle que ton besoin d'entailler ma peau à coups d'insultes, tu tires à blanc, chère tempête de neige, j'ai refusé que l'on me bande les yeux face à ton peloton d'exécution, car il y a si longtemps que j'attendais de voir du plaisir dans ton regard."
Je crus qu’elle avait atteint l'assouvissement car elle me posa cette question qui me parut de simple forme :
- Et ensuite, que comptez-vous faire ?
Je n'avais pas l'intention de lui parler des manuscrits que j'écrivais. Je m'en tirai avec une banalité :
- Je pourrais peut-être enseigner le français.
Ma supérieure éclata d'un rire méprisant.
- Enseigner ! Vous ! Vous vous croyez capable d’enseigner !
Sacrée tempête de neige, jamais à court de munitions !
Je compris qu'elle en redemandait. Je n'allais donc pas sottement lui répondre que j'avais un diplôme de professeur.
Je baissai la tête.
- Vous avez raison, je ne suis pas encore assez consciente de mes limites.
- En effet. Franchement, quel métier pourriez-vous exercer ?
Il fallait que je lui donne accès au paroxysme de l'extase.
Dans l'ancien protocole impérial nippon, il est stipulé que l'on s'adressera à l'Empereur avec " stupeur et tremblements ". J'ai toujours adoré cette formule qui correspond si bien au jeu des acteurs dans les films de samouraïs quand ils s'adressent à leur chef, la voix traumatisée par un respect surhumain.
Je pris donc le masque de la stupeur et je commençai à trembler. Je plongeai un regard plein d'effroi dans celui de la jeune femme et je bégayai :
- Croyez-vous que l'on voudra de moi au ramassage des ordures ?
- Oui ! dit-elle avec un peu trop d'enthousiasme.
Elle respira un grand coup. J'avais réussi."

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Notes :
Une image de la condition féminine au Japon esquissé par Amélie San
AmelieNothomb-CC.htm





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Étude menée par :  

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

En quoi ce récit a-t-il une portée didactique ?

Soumission et ''féminisme''

 

Amélie San dit avoir réussi...

Quelle est sa place dans le groupement de textes ?

 

 

 

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