Théâtre
Mvt littéraire (L)
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Poésie
Roman
Réécritures (L)

Objet d'étude :
Les Réécritures
(du XVIIe siècle à nos jours)

Problématique : Dans quelle mesure réécrire c'est ''revoir'' ?

I - Plan de travail : rappel du corpus

Objet 6, séq. 1 : étude d'un groupement de textes Objet 6, séq. 2
GT 1 : adaptations
Objet 6, séq. 3
GT 2 : réécriture et écart
Objet 6, séq. 4
GT 3 : de l'adaptation au pastiche
GT hétérogène   Dom Juan, joué par (Weber...) Les Châtiments, ''La nuit du 4'' en prose (V. Hugo) Adaptations diverses
(Dom Juan AI sc.1)
Heureux qui comme ulysse (Du Bellay / Ridan)   Le chant du styrène
(Queneau)
La parodie épique
(Rabelais / Brassens)
Affiche Rouge
(Aragon / Manouchian)
L'Affiche Rouge (Manouchian / Aragon)   La Cantatrice chauve, mise en scène par Lagarce Ajouter un poème
aux Cent mille milliards...
Incipits pour une B.D. (modèles)
La Condition H. (Malraux / Wintrebert : l'incipit)   Utopie / Dystopie
(La route J. Hillcoat)
Réaliser la ''planche'' d'une scène de La Condition Humaine Pastiches (La Joconde)
La Condition H. (Malraux / Invention : la rupture)   Cyrano de B.
(D. Pitoiset) au TnBA
  Heureux qui... (Le clip - Ridan)
      La Condition humaine (Malraux)  
    Dom Juan (Acte I scène 0 - ''Prologue'' à la manière d'Anouilh - travail d'élève) « Repentirs » Adaptations cinématographiques Liaisons, Cantatrice

 


Capsule : aide au commentaire (oral ou écrit)

II- Analyse des 4 textes :

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Texte 1 : Dom Juan cadré par Jacques Weber, 1949 xxx

Lecture cursive

Entretiens
(1999)

De « Pécheur impénitent... » à « ...ouverte et ambiguë. »

Dom Juan cadré par Jacques Weber

 

     Pécheur impénitent au XVIIe siècle, puis révolté romantique, Don juan apparaît au XXe siècle comme un héros fatigué par la somme des interprétations dont il est l’objet. C’est de cette lente érosion que parle le mythe. Jacques Weber, Don Juan au théâtre comme au cinéma, s’entretient avec Christian Biet et Jean Marie Laclavetine de la lecture, tout imprégnée par une philosophie de l’errance, qu’il a voulu en donner dans son film.


- Vous avez joué Dom Juan au théâtre. Pourquoi avoir voulu en faire un film ?
- J'ai beaucoup joué Molière je suis un de ceux qui ont le plus joué Molière et j'ai toujours eu envie de faire du cinéma. Il a donc fallu qu'un jour je me projette dans cet espace de liberté qu'est le cinéma en partant de la pièce la plus libre qui soit : Dom Juan. Aussi bien par sa structure que par le personnage lui-même et son mouvement perpétuel d'errance, Dom Juan donne l'impression très violente d'un échappement de la scène : il s'agit de dire que le monde est, simplement mais radicalement. Et la violence de cette liberté, essentielle, ici éclate, dans un matérialisme fascinant. Il fallait enfin que ce personnage sorte de la scène, presque en silence, et c'est ce silence que le film raconte. Devant le fracas des mots, des explications de Sganarelle, Don Juan parle à peine et ne répond qu'une chose : que le monde est.
- Pour construire ce film, vous avez recomposé Dom Juan à votre manière.
- Il était question que dans ce film je raconte une histoire. Or nous sommes devant un mythe auquel il faut trouver un peu de chair et d'os pour que puisse naître un film vivant. L'aspect transcendantal que le théâtre, par son éclairage, sa diction ou son décor peut imprimer, le cinéma ne le peut pas. Il faut dès lors redonner corps à Don Juan, ce personnage qui était devenu une chose abstraite. Je n'avais pas de technique particulière. J'ai fait un acte par semaine et j'avançais dans le brouillard en me piégeant moi même. Comment déterminer des échos ? Là était ma question majeure sans jamais oublier le récit, ni le fait que les personnages ne dialoguent pas mais s'interpellent. Le récit que j'ai alors construit ne répond pas à la structure dramatique du XVIIe siècle, mais à une structure de récit moderne, avec ses ellipses, ses questions sans réponse, son doute. Sganarelle et Don Juan sont deux parallèles en marche ; l'un et l'autre parlent. Se parlent ils ? La parole de l'un affronte le silence de l'autre, champ/contre champ. Une chose les lie, c'est qu'il y a «quelque chose» qu'ils ne comprennent pas. Mais leur attitude est radicalement différente face à cette incompréhension. Sganarelle ne cesse de poser des questions brutalement et donne des réponses lamentables. Don Juan, lui, en reste là, au constat de cette incompréhension radicale. Au moment de sa mort, j'ai voulu que Don Juan dise « où faut il aller ?» sans qu'aucune réponse ne soit possible : parce qu'il n'est pas question de Dieu et qu'il n'en sera jamais question, il n'y a pas de réponse. Sganarelle et Don Juan se livrent à une quête du sens, mais parallèlement, sans jamais se rejoindre. L'un répond, et mal, l'autre ne répond pas.
- On a l'impression que, chez vous, Don Juan a perdu tout intérêt pour la parade sociale.
- En effet. Sganarelle, lui, a encore le souci de paraître. Don Juan est au delà de tout cela. Ce qui domine chez lui, c'est l'épuisement. Devant les paysannes, il reste nonchalant, oisif, et n'utilise que deux mots pour les séduire : "mariage", "noblesse"... Et tout cela n'est pas du cynisme, mais, pour Molière, la dénonciation de la fausseté du langage : ce qui est vrai peut être faux et vice versa. Don Juan est, avec Tartuffe, le personnage le plus authentique de Molière, plus qu'Elvire. Elvire ne réclame que du paraître, elle veut des mots, des paroles qui mettraient Don Juan en règle avec Dieu ; le père de Don Juan ne souhaite après tout que l'apparence d'un fils qu'il peut présenter en société. Face à un Sganarelle, bas, lamentable, Don Juan est un homme authentique et traqué, un chasseur chassé qui s'épuise au long de cette longue traque, dans le silence. Et puis, moi, j'ai eu très envie de me moquer du père de Don Juan. Michaël Lonsdale a été parfait pour cela : une fois que Don Juan a affirmé son désir de rentrer dans le rang et que les apparences sont sauvées, Don Louis peut à nouveau recevoir, rappeler sur scène la mère aimante, montrer son fils aux cardinaux et s'ennuyer en écoutant Monteverdi ! Lui aussi est un homme de vanité, infiniment ridicule et pathétique.
- Au centre de la pièce de Molière, à l'acte III, figure la fameuse scène où Don Juan essaie de pousser un pauvre ermite au blasphème. Pourquoi avez vous placé cette scène au début de votre film ?
- Parce qu'il est très important que dans les toutes premières images on s'interroge sur le fait de savoir où est le chemin à suivre. Don Juan demande au jeune adolescent de lui indiquer sa route : « Tout, droit... », répond il, évidemment. Tout droit vers la mort. Et cela renvoie à l'interrogation finale de Don Juan « Où faut il aller ? ». De plus, ce pauvre n'est plus un vieil ermite, c'est ici un enfant, ou un adolescent, parce que la pauvreté de nos jours peut être symbolisée par les enfants qui traînent dans les rues, et par lesquels on peut être sensuellement attiré, parce qu'ils sont beaux. Lorsque Don Juan demande au pauvre, et dans mon film au jeune adolescent, de blasphémer, il se heurte à un refus, et Don Juan lui donne néanmoins une aumône « pour l'amour de l'humanité ». Sans explication. Sganarelle, au milieu du film, reprendra les mots de Don Juan, sans explication non plus. Silence. Un silence qui est l'emblème du film. Le temps est suspendu, sans blasphème. Ce film est un silence d'environ une heure et demie qui ne vient ni jurer ni parjurer, juste dire qu'on va vers la déflagration finale et qu'il peut, sur ce chemin, y avoir de belles rencontres.
- Votre Don Juan semble seul, comme épuisé par le mythe. Vous toussez, buvez beaucoup de vin, mais sans entrain, et vous enchaînez les cafés. Comme dans les Don Juan modernes, le sacré a cédé toute la place au corps et à la maladie. En un mot, vous présentez l'image d'un Don Juan las du monde, des conquêtes.., et bien plus âgé qu'on a coutume de l'imaginer.
- Déjà avec Molière, Don Juan est marqué par cette mélancolie, cette maladie de lassitude, cette « soif d'un immense retirement » comme dirait Montherlant. Je trouve merveilleuse cette phrase de Jean Rousset, « le destin est descendu dans le corps », qui marque très bien ce que nous pouvons maintenant penser de Don Juan. Lorsqu'il a fallu construire le personnage, j'ai d'abord voulu écarter l'image d'un Don Juan jeune et beau garçon pour privilégier le fait qu'il soit « lourd en terre ». Et dans cette façon que j'ai de porter mes 110 kilos, j'ai voulu montrer la nécessité qu'il y avait pour moi à ce que ce rôle soit "descendu", comme on dit au théâtre lorsqu'on occupe pleinement un personnage. J'ai juste trouvé un petit truc d'acteur : j'ai mis des talonnettes pour que mon regard soit légèrement au-dessus des choses et des mots. Pour ce qui est de l'âge, il ne me semble pas que Molière ait jamais représenté autre chose que des questions touchant les hommes dans leur maturité. C'est Musset qui, dans son théâtre, parle des jeunes ! De plus, les spectateurs du XXe siècle ont pris l'habitude de voir un Don Juan dans la force de l'âge avec Jouvet la face du stoïcisme ou Piccoli, alors...
- Pourtant, Don Juan attire les femmes, plus même qu'il n'est attiré par elles. Et c'est l'image qu'on a gardée du personnage. Don Juan devient alors un don-juan. Que pensez vous de cette idée du donjuanisme ?
- Je n'ai pas voulu parler de l'homme à femmes, ni du donjuanisme, mais du fait que cet homme soit aussi naturel que la nature qu'il prône. De la même manière que Don Juan constate la nature et sa propre présence sur scène, je suis arrivé, avec tout mon poids et toute ma présence en disant qu'il en était ainsi. Il y a d'abord une sorte d'errance à travers la mer, le désert, le monde tout entier, une multiplication des chemins possibles qui renvoie à la nature partout où Don Juan la trouve, une nature protéiforme, qu'il trouve belle, et dans laquelle la femme est incluse. Et cette errance le mène à une mort annoncée. Don Juan tousse, dès le début, et ne mourra que du désordre de son propre corps : il cristallise la maladie de la mort telle que Molière l'entend.
- La maison de Don Juan est une ruine habitée et il est à l'image de cette maison... Don Juan est un traître à sa classe ; il a fait la Fronde, puis il l'a désertée. C'est un noble SDF, un homme en fuite. La noblesse est finie, l'État a tout remplacé et Don Juan est plongé dans l'errance. Le monde social est alors irrecevable pour lui, d'où cette errance. Une sorte de parfum de mort l'a atteint au point qu'on peut dire qu'il est un "homme gris", au sens où l'on dit qu'un homme est gris à l'armée quand on sait que le lendemain il mourra au combat. Don Juan a une très grande conscience de cette fin qui est fichée dans son corps : du point de vue social, rien n'est plus possible ; le langage, il en a fait le tour, et son revirement hypocrite. lui même ne l'empêche pas d'aller vers la mort. De quoi est fait ce revirement face à la statue, alors même qu'il est certain qu'il va aller vers elle, qu'il va y passer ?
- Justement, dans votre film, le commandeur est une statue en morceaux, qu'on traîne ou qu'on dispose. Ce n'est pas ici une machine ni un dieu punisseur et ses paroles sont dites soit par des ouvriers soit en voix off (comme si elles étaient pensées par Don loua). Que représente alors pour vous la statue du Commandeur ?
- Dans son Dom Juan, Molière s'affranchit, me semble t il, de l'interprétation mythique, s'en moque ou reste en dehors. La statue m'ennuie prodigieusement, elle n'est, pour moi qu'un élément de ricochet entre Sganarelle et Don Juan. Elle permet d'abord de proclamer qu'il est idiot de se faire édifier une statue quand on est mort ce que dit très clairement Don Juan , puis de démontrer que la naissance d'une croyance, quelle qu'elle soit, peut se faire à partir de n'importe quoi. Et lorsque Don Juan doit bien convenir qu'il y a eu, avec cette statue, une série de hasards et de coïncidences curieuses et improbables, il lui suffit d'affirmer qu'« il y a bien là dedans quelque chose qu'[il] ne comprend pas » Et d'ajouter : « quoi que cela puisse être, cela n'est pas capable de convaincre mon esprit ni d'ébranler mon âme » .On ne peut être plus net que cela. Molière est d'ailleurs très concis sur la statue, il fait court, met en scène l'invraisemblance, se moque de tout cela et construit plutôt sa pièce autour des ricochets, des questions sans réponse, des silences. La statue est beaucoup moins importante, sur le plan dramaturgique, que les discours des frères, du père, ou d'Elvire.
- Quant à la punition divine, on a plutôt l'impression que Don Juan meurt en fait de lui même, comme pris par l'effet de sa lassitude, de sa fatigue et de sa toux maladive.
- Finissons en avec la statue : ce qui a été le plus important pour moi a donc été de résoudre le problème technique de la statue. Molière a eu la nécessité de la machine pour échapper à la censure, s'en moquer, ou contourner la question de manière prodigieuse. Les dévots l'ont bien senti, qui l'ont attaqué, « Ne nous faites pas croire que vous condamnez l'impie, c'est une machine théâtrale qui le condamne. ». Nous n'avons plus, de nos jours, à affronter les mêmes obstacles : nous pouvons dire que la mort est la mort et que la statue est une statue, en construction de surcroît, En aucun cas, il ne s'agit pour moi d'une statue qui parle, mais, on peut tout imaginer quant à ce qui se passe dans la tête de Don Juan et de Sganarelle. Mon idée est que Don Juan ne Croit pas au sacré et se moque de la statue parce que ce n'est qu'une statue. Et, s'il meurt, c'est d'une sorte d'infarctus ou d'embolie pulmonaire. Il meurt du souffle. Son souffle s'affole, sans romantisme, dans une banalité totale, et il finit aussi en acteur, sans voix. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si je fais tousser ce garçon, si je lui fais perdre la voix alors que moi-même j'ai eu la chose la plus terrible au monde, pour un acteur, qu'est la perte phobique de la voix, en jouant Cyrano de Bergerac. Ce géant est blessé dès le départ, il a épuisé sa vie, brûlé ses dernières cartouches, comme le héros de Malcolm Lowry dans Au dessous du volcan. Don Juan, c'est ce consul qui va au rendez vous inéluctable de la mort, en quelques jours, en quelques heures. La fin reste ouverte et il est très important qu'elle le reste. Je ne connais d'ailleurs aucune pièce de Molière qui n'ait pas une fin ouverte et ambiguë.

L'ÉQUIPE DU FILM. : Produit par Gérard Jourd'hui, Dom Juan, un film réalisé par Jacques Weber.
Avec : Don Juan : Jacques Weber, Sganarelle : Michel Boujenah. La participation : d'Emmanuelle Béart, Denis Lavant, Jacques Frantz, Michaël Lonsdale, Pénélope Cruz, Ariadna Gil. Scénario : Jacques Weber. Musique : Bruno Coulais. Montage : Jacques Witta. Image : D. José, Luis Alcaine. Son : Pierre Gamet. Mixage : Vincent Arnardi et Jacques Thomas Gérard. Décors : Claude Lenoir. Costumes : Sylvie de Segonzac. Producteurs exécutifs : Christophe Jounent, Jean Yves Asselin, Mariela Besuievsky. Une coproduction Blue Dahlia Production, France 3 Cinéma, Tornasol Films, Mate Productions, Road Movies Avec la participation de Canal + et de la Sofica Sofinergie 4. Ce film a été soutenu par Eurimages.

----- notes -----
Jacques Weber qui, avec son Dom Juan, signe sa première réalisation pour le cinéma, est avant tout un homme de théâtre. Depuis ses débuts, en 1966, il s'est particulièrement attaché à l'œuvre qu'il a mise en scène et interprétée (L'école des femmes, Le Misanthrope, Tartuffe, Dom Juan). Cyrano sur les planches, il a obtenu le César du meilleur second rôle en jouant De Guiche, à l'écran. Il a tourné dans une trentaine de films, sous la direction de Costa Gavras, Boisset, Buñuel, Jeanne Moreau, Rappeneau...
Christian Biet est professeur d'histoire et esthétique du Théàtre à Paris X Nanterre. Auteur de divers ouvrages, il a notamment publié Les Miroirs du Soleil et Don Juan, mille et trois récits d'un mythe dans la collection Découvertes Gallimard
Jean Marie Laclavetine, auteur de plusieurs romans (En douceur, Demain la veille, Donna Fugata...), est également traducteur d'italien et membre du comité de lecture des Éditions Gallimard. Il a adapté dans la collection Folio le scénario du Dom Juan de Jacques Weber.


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Étude menée par : ...

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

 

 

Ouverture sur les textes argumentatifs

Une autre facette de La Fontaine...

 

 

Réthorique de ''l'interwiew''

 

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Texte 2 : Liaisons Dangereuses par S. Frears, 1988

Lecture cursive

Adaptation
(L. XXI) Film et théâtre

De « En extérieur... » à « ...son mari. »

Valmont cadré par S. Frears

 

Transcription de la lettre XXI : transposition de la lettre en dialogues pour le film de S. Frears


(En extérieur, à l'entrée d'un village)
VALMONT, au Collecteur - Me direz-vous ce que vous faites là ?
Le COLLECTEUR - J'effectue une saisie immobilière Monsieur
VALMONT - Ne vous a-t-on pas expliqué que Monsieur Armand est malade ?
Le COLLECTEUR - Je n'écris pas la loi Monsieur, j'exécute ce qu'elle prescrit : tout le monde doit payer la taille.
VALMONT - Combien vous doit-on ?
Le COLLECTEUR - C'est que…
VALMONT - Combien ?
Le COLLECTEUR - Cinquante six livres Monsieur…
VALMONT, à Azolan - Payez-le !
AZOLAN - Bien Monseigneur
VALMONT, entrant dans la maison de M. Armand - Monsieur Armand ? Pardon vous ne me connaissez pas…
ARMAND - Ah pour sûr que oui, Monsieur le Vicomte…
VALMONT - Mais non ne vous levez pas…
ARMAND - Mais il le faut, ce lit, ils le prennent !
VALMONT - Non, rien de tel… Personne ne prendra rien
(en extérieur)
Des ENFANTS, des PAYSANNES, ils entourent Valmont - La charité… Moi Monsieur… La charité… Seigneur la charité… Merci… Pour l'amour du ciel… S'il vous plaît… La charité… À moi…
VALMONT - Tenez, achetez du pain, j'insiste...
VALMONT, de retour à la grille du château, près de la boîte aux lettres, il s'adresse à Azolan - Cinquante six livres pour sauver toute une famille de la misère, c'est une aubaine qui ne coûte pas cher !
AZOLAN - Ce genre d'aubaine-là vous en trouverez des douzaines dans chaque village du pays !
VALMONT - C'est vrai ? Hum… D'évidence cette famille-là a été fort bien choisie : des gens respectables ; larmoyant à souhait ; aucune fille dont la beauté n'eût été suspecte… Joli travail
AZOLAN - Je fais de mon mieux pour vous servir !
VALMONT - Ah, et cette humble gratitude ! Cela m'a bouleversé…
AZOLAN - Et moi cela m'a mis la larme à l'œil !
VALMONT - Dijon… Cette lettre ne vient que de son mari…



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Étude menée par : ...

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

 

 

Ouverture sur les textes argumentatifs

Une autre façon de raconter...

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Texte 3 : Dom Juan, analyse thématique

Lecture cursive

Johanna PETIT

De « Comédiens principaux... » à « judéo-chrétienne. »
(présenté sous réserve de droits d'auteur)

Don Juan cadré par M. Bluwal
 

     Comédiens principaux : Michel PICCOLI et Claude BRASSEUR :
     Dans la tradition théâtrale, Sganarelle – joué d'ailleurs par Molière – était plus âgé que Don Juan, puisque le valet, qui rappelle souvent son maître à l'ordre, semble plus posé que lui. Or, le réalisateur, contrairement à cette tradition, choisit volontairement un Don Juan plus vieux que son valet. Michel Piccoli a 10 ans de plus que Claude Brasseur : Bluwal a voulu montrer l'admiration éperdue de Sganarelle pour son maître.
     Pour Don Juan, Bluwal a choisi Michel Piccoli parce qu' « il faut un homme d'une certaine séduction, mais marqué par la vie et victime d'une certaine fatalité. Un homme faussement fort. Don Juan, c'est un homme fatigué, à la recherche de quelque chose ou de quelqu'un qui se dérobe sans cesse. »
     Le réalisateur refusait tout comédien d'une beauté physique, car il ne voulait pas que la séduction du personnage vienne de son apparence, mais plutôt d'un Dieu-ne-sait-quoi, d'un mystère.
      COSTUMES :
     Marcel Bluwal a choisi volontairement de ne pas donner à ses comédiens les costumes comme à l'époque de Molière, car il ne les aime pas.
     En réalité, il est difficile de déterminer à quelle époque les costumes du téléfilm font référence (même le réalisateur lui-même ne le sait pas). Le jabot semble faire référence au XVIIIème siècle (donc à la décadence), le pantalon ou la veste en cuir font penser au XXème siècle. En effet, le réalisateur a demandé à sa costumière de faire des vêtements atemporels, pour montrer que le cas de Don Juan existe depuis la nuit des temps et existera toujours : son mythe est universel.
     Don Juan est vêtu de cuir (ce qui peut mettre en valeur la richesse, la supériorité sociale, mais aussi l'érotisme, le sadomasochisme du personnage), tandis que Sganarelle a les mêmes vêtements que son maître, mais en tissu. Cette différence de matières montre encore une fois la supériorité sociale de Don Juan, son sadisme, mais aussi l'admiration éperdue que Sganarelle voue à son maître.
     COULEURS :
     Le noir et le blanc...
     Dans Dom Juan, Marcel Bluwal, effectue un travail de recherche sur les deux couleurs antithétiques du noir et du blanc, avec leurs nuances de tons et de lumières. Cette recherche lui permet de faire un travail sémiologique, donc de réaliser des oppositions picturales qui ont alors un sens ou qui sont symboliques.
     Un exemple symbolique du contraste NOIR / BLANC
     Le blanc peut représenter l'innocence du Paradis originel. Or Done Elvire, pourtant promise à Dieu, l'a perdue en se donnant à Don Juan. Elle est salie par le péché : c'est pourquoi elle est habillée de noir, lors de sa première apparition (I, 3). De plus, elle fait partie de la société : c'est une femme coquette, puisqu'elle porte des bijoux.
     Se rendant compte de son erreur, Elvire se retire au couvent et retrouve son état de religieuse. Ce n'est plus une passion charnelle pour Don Juan qui l'habite, mais une autre, spirituelle et mystique, destinée seulement à Dieu : elle s'est purifiée et retrouve l'innocence du Paradis originel (IV, 6). Elle est vêtue d'un voile blanc, sans tache qui marquerait la preuve d'un péché. Les bijoux ont disparu, puisqu'elle s'est retirée du monde. Son âme est alors sauvée, ce qui ne sera pas le cas de Don Juan.
     Elvire représente aussi la foi véritable par opposition à la conversion – hypocrite – de Don Juan. Elvire, sincère, est vêtue de blanc, contrairement à Don Juan, habillé de noir lors de sa fausse conversion.
     Un exemple symbolique du noir
     Le noir des vêtements de Don Juan peut représenter l'âme damnée et cynique du libertin : il est athée, sans scrupules et sans remords. Ce personnage renie tout ce qui fonde la société du XVIIe siècle : il est contre la religion, le Ciel, les voeux sacrés du mariage, les valeurs familiales et nobiliaires, etc. Il ne respecte pas non plus la plupart des commandements de Dieu :
• 1er commandement « Tu croiras en Dieu. » : Don Juan cherche la preuve de son existence, donc n'y croit pas.
• IVe « Tu honoreras tes parents. » : Il souhaite la mort de son père (IV, 5).
• Ve « Tu ne tueras point. » : Il a tué le Commandeur (I, 2).
• VIe « Tu ne commettras point d'adultère. » Sans commentaire !
• IXe « Tu ne porteras pas de témoignage mensonger contre ton prochain. » : Il ment à Elvire (I, 3), aux frères d'Elvire, à son propre père (IV, 1). Sans oublier le célèbre discours sur l'hypocrisie (V, 2).
• Xe « Tu ne convoiteras pas la femme d 'autrui. » : Il désire une jeune femme promise à un autre (I, 2).
     En ne respectant pas au moins 6 commandements de Dieu sur 10, Don Juan est voué à une mort prochaine et s'expose au châtiment divin'. Don Juan évolue souvent dans un décor assez obscur et qui s'assombrit tout au long de la pièce : il vit déjà dans les ténèbres. Cette obscurité est aussi le symbole de l'éloignement de Dieu, puisque ce dernier est Celui qui apporte la lumière de la Vérité. C'est pourquoi Don Juan, quand il meurt, tombe dans un gouffre noir et sans fond, dans le monde souterrain de l'Au-delà, au lieu de monter vers la lumière en passant par un tunnel, selon la croyance judéo-chrétienne.

 

(Livret accompagnant le DVD - ISTDA)



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Étude menée par : ...

Problématique

Axes de résolution

ConclusionRemarque

Comment passe-t-on d'un texte à son adaptation ?

 

Ouverture sur les adaptations

Procédés de transposition

 

 

Ouverture sur la représentation...

 

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Texte 4 : La Cantatrice chauve, 1991

Lecture cursive

Lagarce
(1957-1995)

De « En 1992 Jean-Pierre Han... » à « ...La Cantatrice est une chose rare. »


Lagarce met en scène La Cantatrice chauve


     En 1992 Jean-Pierre Han reçoit une commande des éditions Gallimard pour écrire une étude en ouverture à La Cantatrice chauve d'Eugène Ionesco. Il n'a pas vu la mise en scène que vient de réaliser Jean-luc Lagarce, celui-ci lui explique, lors d'un entretien au café Sélect à Montparnasse, le spectacle et ses intentions. Un changement de politique éditoriale des Éditions Gallimard ne permettront pas que paraisse le livre.
      Jean-Luc Lagarce : La Cantatrice chauve est une pièce sur l’absurde évidemment‚ mais le spectacle que j’en ai tiré n’est pas si absurde que cela‚ il est au contraire très logique. Le public paraît surpris de sa cohérence. Il s’attend‚ la plupart du temps – j’ai pu le constater lors des débats que j’ai faits - à une pièce qui tiendrait de l’écriture automatique‚ ce qui n’est pas faux pour la fin. En revanche les premières scènes‚ les « grandes » premières scènes‚ entre Monsieur Smith et Madame Smith‚ sont très cohérentes. J’en suis arrivé à la conclusion que les gens ne connaissaient pas bien cette pièce dont ils ont une idée a priori. Dans le spectacle que j’ai réalisé‚ le public rit beaucoup. Il est surpris de rire‚ parce qu’il pense que le climat d’une pièce de l’absurde est toujours gris !
      Jean-Pierre Han : C’est terrible ce que vous dites : les gens s’attendent à quoi et pourquoi viennent-ils alors ?
      J.-L. L. : Ils viennent comme on va au musée ; ils viennent voir un classique du XXe siècle. C’est ce qui est en train d’arriver à Samuel Beckett. Je parle de Beckett parce que je voulais mettre en scène En attendant Godot‚ mais je n’ai pas pu obtenir le droit de jouer dans toute la France alors j’ai renoncé. En attendant Godot et La Cantatrice chauve sont deux classiques du XXe siècle. On s’attend donc à voir des représentations… classiques !
      J.-P. H. : On ne saurait classer votre spectacle dans cette catégorie !
      J.-L. L. : Ce que j’ai fait est très… coloré ! Prenez le décor : c’est une maison ou plutôt la façade d’une maison ; tout se passe sur une pelouse très anglaise‚ un petit jardin très simple‚ avec une maison blanche et des petites fenêtres. Mais même si le spectateur ne s’en aperçoit pas au début‚ il va vite sentir qu’il y a comme un problème de perspective. Tout a l’air absolument normal‚ mais la maison est un tout petit peu plus petite qu’elle ne le devrait. Des effets de perspective font qu’à un moment donné‚ il y a quelque chose qui ne va pas très bien. L’idée de la façade de cette maison qui est en bois‚ comme dans un tableau de Hopper‚ est importante ; l’effet est volontairement appuyé pour que l’on sente bien qu’il n’y a là qu’une façade‚ c’est-à-dire un décor. On est là pour faire semblant et on sait qu’on fait semblant. Lorsque les comédiens ouvrent les portes ou les fenêtres‚ on voit que derrière‚ il n’y a rien. Donc‚ devant cette façade toute blanche‚ il y a la pelouse verte avec une haie verte. C’est dans ce décor qu’évoluent les couples qui sont interchangeables. Les deux femmes sont habillées exactement pareil. Elles ont des costumes qui « font » très reine d’Angleterre – ni moi ni la costumière n’y avions pensé‚ mais tout le monde nous l’a fait remarquer ! – Elles ont des tailleurs type Chanel‚ un peu roses‚ avec des chapeaux à fleurs… Les deux hommes sont également habillés exactement de la même façon avec des costumes gris‚ c’est cependant très coloré parce qu’ils ont des cravates orange ! À raconter les choses ainsi on pourrait penser à quelque chose d’un peu kitsch‚ c’est en fait simplement très coloré‚ et je pense aux couleurs qu’il y a dans Mon Oncle de Jacques Tati ; on est entre le dessin animé et le feuilleton américain des années 50.
     Les deux femmes sont habillées pareil et les deux hommes aussi‚ mais la distribution joue des effets de contraste. À la création‚ Monsieur Smith était interprété par un acteur assez rond‚ pas très grand. Il faisait moins de 1,70 m. Madame Smith est une actrice très grande et avec des talons et un chapeau‚ elle arrive à 1,90 m. Madame Martin est une actrice qui mesure 1,48 m. Quant à Monsieur Martin c’est un grand garçon maigre. Il y a donc bien deux couples habillés exactement de la même manière‚ mais avec de drôles d’effets de perspective…
      J.-P. H. : Des effets de perspective que l’on retrouve au niveau de la mise en scène ?
      J.-L. L. : Bien sûr ! Cela dit il faut parfois être capable de décaler le travail de mise en scène surtout après vingt représentations pendant lesquelles on s’est rendu compte que certaines scènes étaient reçues d’une manière que l’on n’avait pas prévue. Ainsi‚ par exemple‚ à un moment donné dans le spectacle‚ les Martin arrivent derrière la haie. On a calculé la hauteur de cette haie par rapport à la hauteur du chapeau plein de fleurs de Madame Martin. On voit donc arriver Monsieur Martin avec devant lui un bouquet de fleurs et on pense alors qu’il est seul. Les deux acteurs marchent le long de la haie et quand ils sont devant nous‚ une porte s’ouvre et apparaît une dame qui est exactement la réplique de celle qui vient de sortir mais qui‚ elle‚ mesurait 1,90 m ! C’est un gag stupide‚ mais qui a fait un « tabac » à chaque représentation… J’ai néanmoins « décalé » le jeu de cette scène sinon les acteurs étaient obligés de s’interrompre à cause des rires des spectateurs. Par ailleurs j’ai demandé aux acteurs de jouer de manière très sérieuse.
     Pour ce qui concerne le personnage de la Bonne‚ j’ai pris au pied de la lettre une réplique du début de la pièce qui dit je ne suis pas Mary : « Mon vrai nom est Sherlock Holmes » ; elle est donc Sherlock Holmes. Le Pompier‚ lui‚ a l’air très inquiétant. Ces deux personnages sont habillés en noir alors que tous les autres sont colorés. Cela dit la Bonne change très souvent de costume‚ sans que le public s’en aperçoive vraiment car cela reste très discret. Tout cela ressemble à un dessin animé ou même à un feuilleton télévisé des années 50. À Payton Place par exemple. Avec la même absurdité que dans ce feuilleton. Le tout étant renforcé par des rires enregistrés qui soulignent certaines répliques ; on est vraiment comme dans un feuilleton télévisé ! Et on entend rire alors qu’il n’y a absolument rien de drôle. Cela fonctionne bien parce que le public voit qu’on rit de choses qui ne sont pas forcément drôles alors que l’on ne va pas rire de choses qui le sont.
      J.-P. H. : Vous n’avez cessé de jouer du décalage…
      J.-L. L. : Parce que je me suis surtout demandé ce qu’était l’absurde de nos jours. L’absurde aujourd’hui‚ ce sont les feuilletons télévisés auxquels vous ne comprenez strictement rien si vous ne les regardez pas de manière régulière. Il faut vraiment être comme ma grand-mère qui est accrochée au même feuilleton depuis trois ans et qui donc, sait où en sont les personnages. Sinon vous ne savez jamais où vous en êtes. Les gens se disent très souvent des choses comme « je suis votre épouse » ou « on a bien mangé »‚ ou encore « vous et moi avons un enfant »‚ toutes choses qu’ils sont censés déjà savoir ! C’est donc débile et… absurde. Mais le théâtre de l’absurde ne veut plus dire grand-chose aujourd’hui car désormais tout le monde pratique le deuxième niveau de langage. Devant le spectacle‚ les adolescents‚ vont dire‚ par exemple‚ « c’est mortel » pour dire que c’était formidable. Ça leur paraît évident de dire l’inverse de ce qu’ils pensent. Beaucoup de choses dans le spectacle fonctionnent de cette manière. Ce genre d’affirmation d’une même idée‚ mais en négation‚ pour dire une seule et même chose est évident aujourd’hui alors qu’il ne l’était pas à l’époque. C’est ça les absurdités du langage. C’est devenu un jeu. Les jeunes comprennent cela facilement ; ils ne rient pas de la situation‚ ils rient de ce qui se dit.
     C’est aussi la raison pour laquelle j’ai pris au pied de la lettre un certain nombre de répliques. Il y a une grande cohérence dans la pièce‚ des renvois‚ des retours‚ des rappels de ce qui a été dit‚ avec aussi un certain nombre d’allusions à des choses policières. Le couple formé par le Pompier et la Bonne est inquiétant : « … peut-être qu’il vaudrait mieux ne pas continuer sur ce sujet » disent-ils en substance. Tout le monde a des angoisses. Monsieur et Madame Smith‚ par moments‚ n’osent plus du tout parler avec Monsieur et Madame Martin‚ ils ont peur de leur dire… quoi donc ? Alors ils mentent‚ mais tout le monde sait qu’ils disent des mensonges ! Comme tous les acteurs jouent d’une manière sérieuse‚ tout cela finit dans un rapport d’agressivité qui est violent. On se croirait dans une pièce d’Agatha Christie…
     Je pense à une réplique où il est dit que ça a brûlé chez le voisin qui n’est pas Anglais‚ mais seulement naturalisé. Le Pompier répond qu’il ne peut pas éteindre le feu chez les naturalisés‚ que ceux-ci ont le droit d’avoir une maison‚ mais « pas celui de les faire éteindre si elles brûlent » ! Madame Smith poursuit : « Pourtant quand le feu s’y est mis l’année dernière‚ on l’a bien éteint quand même ! » Il n’en avait pas le droit‚ il a donc fait ça tout seul‚ clandestinement. « Oh‚ c’est pas moi qui irais le dénoncer ! » dit alors le Pompier. Mais sa manière de dire cette réplique nous fait comprendre qu’il faut aller le dénoncer ! Le spectateur se dit alors qu’il se trouve en présence de « collabos » en puissance.
     Ce qui‚ par ailleurs‚ renforce cette idée un peu télévisuelle à tendance « enquête policière »‚ c’est que j’ai fractionné la pièce. Il y a des noirs‚ très légers‚ l’obscurité n’est pas totale‚ la maison ou le ciel restent éclairés‚ mais les fins de répliques sont toujours porteuses de mystère et d’inquiétude‚ du genre : « Ça par exemple ! » ou « Oh‚ c’est pas moi qui irais le dénoncer ! » La lumière s’éteint alors et se rallume aussitôt.
      J.-P. H. : On passe en fait constamment d’un plan à un autre…
      J.-L. L. : Tout à fait. C’est exactement comme dans les films policiers dans lesquels ces passages sont soulignés par de la musique. Ici il y a une bande-son importante avec une musique de Carla Bley qui semble très connue et qui‚ en même temps‚ est déglinguée. Il y a également des musiques de films d’Hitchcock‚ le tout donné d’une manière très fractionnée. On ne cesse effectivement de changer de plan.
     J’ai raconté beaucoup d’histoires aux comédiens‚ scène par scène. Une sorte de perpétuel sous- texte‚ parfois graveleux. À un moment donné, Madame Martin raconte qu’elle a vu quelqu’un qui lisait le journal dans le métro. Elle n’arrive pas à raconter cette histoire ; lorsqu’elle finit cependant par le faire sous l’injonction de son mari, on a l’impression qu’elle raconte une histoire salace. Et pendant son récit elle relève un peu sa jupe‚ à peine‚ comme si elle était obligée de faire un strip-tease‚ elle qui est timide est‚ ici‚ humiliée.
     On pourrait croire à la lecture de la pièce que les personnages sont interchangeables‚ mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que chacun a un caractère bien particulier et que des rapports de force existent bel et bien. Madame Smith est ainsi très autoritaire par rapport à Monsieur Smith qui est un être apeuré‚ inquiet. Monsieur Martin‚ lui‚ semble prêt à toutes les compromissions pour que tout aille toujours bien. Enfin Madame Martin est terrorisée‚ mais on ne sait pas par quoi‚ ni pourquoi. J’ai donc inventé d’autres histoires avec ces personnages ; les acteurs disent que j’aurais pu écrire une pièce sur les personnages de La Cantatrice ! En fait j’ai été extrêmement respectueux du texte de Ionesco. J’ai même été jusqu’à faire dire par la Bonne les quelques rares indications scéniques que l’auteur nous donne ! Avant de monter le spectacle je disais vulgairement que c’était une pièce dans laquelle il n’était question que de sexe‚ mais que personne n’osait en parler ! En ce sens c’est une vraie caricature du théâtre de boulevard : tout fonctionne par allusions. Prenez la Bonne et le Pompier‚ ils ont couché ensemble dans l’après-midi… mais on est dans une maison respectable. Tout est sous-entendu. Les femmes ont parfois de ces mouvements ou de ces soupirs lorsqu’elles voient le Pompier ! Le public n’en croit pas trop ses yeux ni ses oreilles‚ mais enfin lorsque l’une d’entre elles dit : « Toute à votre service monsieur le Pompier » et qu’elle croise les jambes d’une certaine manière après s’être vautrée par terre‚ sur la pelouse… Tout finit d’ailleurs‚ après le départ du Pompier‚ dans une bataille dans laquelle les couples s’arrachent les vêtements‚ s’engueulent très fort‚ et la maison‚ elle‚ ou du moins sa façade‚ s’écroule… Alors les personnages s’en vont discrètement. Sauf Monsieur et Madame Martin qui ont été désignés par les autres pour se débrouiller avec le public. Donc au milieu des décombres puisque la maison est par terre‚ ils reprennent les choses comme au début‚ c’est-à-dire qu’ils recommencent la pièce. Ceux qui l’ont étudié savent qu’elle se termine comme cela‚ mais j’ai tenu à mettre en scène les scènes inédites de la pièce…
      J.-P. H. : Mais il y a plusieurs fins parmi ces inédits…
      J.-L. L. : Oui‚ il y en a trois. Mais elles ne sont pas rédigées sous forme théâtrale. Ionesco écrit : « On aurait pu faire ci ou ça… » Alors sur le plateau tout recommence ; tous les acteurs reviennent au milieu des décombres faire une espèce de photo de groupe. Ils expliquent au public que ça finit comme ça‚ mais que ça aurait pu finir autrement‚ qu’ils auraient pu faire ci ou ça…C’est une parodie du brechtisme. Le public se dit : « Bon‚ admettons »‚ mais au fur et à mesure que les acteurs racontent cela‚ leur hargne les uns par rapport aux autres‚ leur vieille paranoïa d’avant‚ et puis l’absurdité de ce qu’ils racontent comme étant des fins possibles‚ tout cela réapparaît très vite. Tout se passe comme si les acteurs en coulisse étaient encore plus cinglés que les personnages qu’ils jouent. Ainsi Monsieur Smith explique qu’il pourrait y avoir des gens armés de mitraillettes qui pourraient tuer les spectateurs. C’est expliqué au public sans détour ! La Bonne et Monsieur Martin vont au milieu du public pour lui dire qu’il y a des comparses dans la salle ; ils encouragent les gens à monter sur la scène‚ mais les acteurs restés sur scène lancent : « Quand ils arriveront‚ nous les tuerons à coups de mitraillettes »…
     La vraie fin se termine en queue de poisson ; le rideau tombe très vite et l’on entend cette réplique : « Bande de coquins‚ bande de salauds ! »
     La Cantatrice chauve est une formidable machine à jouer‚ une machine à faire du théâtre. Ça parle de la petite bourgeoisie mais c’est surtout une parodie de théâtre comme il y en a peu en France. Ionesco se moque de la comédie policière‚ du théâtre de boulevard‚ du théâtre bourgeois à la Bernstein‚ du théâtre anglais‚ mais aussi de Brecht‚ il se moque de la mise en scène‚ de tout en un mot !
      J.-P. H. : Qu’est-ce qui a poussé le metteur en scène (et l’auteur) que vous êtes à monter ce spectacle ?
      J.-L. L. : J’adorais la pièce lorsque j’avais 15-16 ans. Quand j’ai commencé à faire du théâtre professionnel‚ j’ai eu envie de la mettre en scène. Heureusement cela n’a pas pu se faire car je m’aperçois que je n’aurais pas pu réaliser un spectacle comme celui que je viens de faire. Je voulais vraiment qu’il soit question de la petite bourgeoisie française. C’était très différent de ce que j’avais fait auparavant puisque j’avais travaillé sur des textes du XVIIIe siècle puis sur des textes très contemporains. Je désirais mettre en scène des textes drôles. J’ai monté On purge bébé de Feydeau et je me suis dit que j’aimerais mettre en scène cette pièce avec La Cantatrice chauve. Mon idée était de réaliser un spectacle de trois heures avec les deux pièces. Mais cela a été très compliqué. On purge bébé‚ n’était pas un spectacle très abouti ; l’idée de travailler sur La Cantatrice chauve en a été confortée. Tout le monde a trouvé que c’était à la fois un bon gag et une idée idiote !... Mais j’ai persisté dans mon idée surtout après avoir vu Les Chaises mises en scène par Jean-Luc Boutté. Je me suis dit qu’il avait vraiment raison‚ et que Ionesco était un auteur formidable. Lorsque l’on parle de Ionesco aux gens de ma génération‚ ils sont absolument atterrés. Moi je trouve que La Cantatrice chauve est une vraie pièce‚ une machine à faire du théâtre‚ je le répète. Au moment où j’ai mis en scène La Cantatrice‚ François Rancillac‚ qui a monté une de mes pièces‚ était lui aussi atterré‚ mais‚ lui‚ a mis en scène Ondine de Giraudoux et‚ moi‚ l’idée que l’on puisse mettre en scène l’Ondine de Giraudoux me paraît complètement surréaliste. C’est comme ça ! Il n’y a pas si longtemps, je plaisantais sur Bernstein‚ mais quand Robert Cantarella a mis en scène Le Voyage‚ j’ai trouvé ça vraiment intéressant et même plus : formidable pour les acteurs. Le Voyage de Bernstein mis en scène par Cantarella est un superbe spectacle. Je suis sûr qu’il y aurait quelque chose à faire avec Sacha Guitry. Si je montais une pièce de Sacha Guitry‚ tout le monde se regarderait en se disant que je ne vais pas très bien. Et pourtant je trouve que Daisy est une très belle pièce. Le monde théâtral fonctionne ainsi‚ de manière conventionnelle ! J’aime beaucoup La Cantatrice chauve‚ pas forcément Le Rhinocéros ou Le Roi se meurt
     Et puis je dois dire que je trouvais qu’il y avait un rapport d’injustice à l’égard de La Cantatrice chauve‚ parce que c’est quand même un peu tragique ce qui se passe‚ le fait que la pièce soit toujours bloquée au Théâtre de la Huchette.
     À l’automne prochain‚ ça fera cinq mois que le spectacle tournera et tout le monde se dit déjà maintenant : « Quelle idée géniale d’avoir monté ça ! » mais il n’empêche que nous avons eu beaucoup de mal à boucler la production. D’autant que c’est un spectacle relativement lourd et cher. Il nécessite un assez grand plateau pour un décor important. En plus La Cantatrice chauve est un spectacle qui avait mauvaise réputation au niveau des décideurs. La pièce n’est pas politique et Ionesco était quand même très connoté à droite alors que le théâtre français est‚ lui‚ connoté à gauche… Et puis quand vous dites que vous allez monter La Cantatrice chauve ils se disent tous que ça va être comme à la Huchette…
      J.-P. H. : Concevez-vous que cette pièce ait révolutionné l’histoire du théâtre ?
      J.-L. L. : Oui‚ c’est bizarre… La pièce a été jouée en 1950‚ n’est-ce pas ? Et le succès à la Huchette date de 1957 je crois‚ l’année de ma naissance. Tout s’est passé avant ma naissance et pourtant c’est une pièce contemporaine ! Ionesco est allé très loin dans la voie de l’absurde‚ et il n’a pas vraiment eu de successeur‚ tout comme Beckett d’ailleurs. La Cantatrice est une chose rare.

Source : theatre-contemporain.net




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Étude menée par : 1

Problématique : théâtre de l'absurde ?

Axes de résolution

ConclusionRemarque

 

 

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