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Objet d'étude :
La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation
(du XVIe à nos jours)

Problématique : « Dans quelle mesure dystopie et SF, argumentent au service d'une vision de l'homme et du monde... »



[Utopie / contre-utopie / dystopie]  [numérique]  [Nanotechnologies]  [Parcours pour la SF]
[petite anthologie de la BD]

Ce que vous devez savoir :


Capsule : l'argumentation indirecte et l'utopie

Utopie / Eutopie / Dystopie / Contre-utopie :

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L’utopie (voir ce mot), un genre littéraire spécifique avec son histoire : La République de Platon (IVe siècle av JC), Histoire vraie de Lucien (125 ap JC),
L'Utopie de Thomas More (1516 - De optimo reipublicæ statu deque nova insula Utopia). Elle est " représentation d’une virtualité, […] elle renvoie à l'analyse sociologique " d’un monde (une construction intellectuelle) imaginaire comme la Lune ou le Monde des morts, mais elle est située dans notre réalité géopolitique. Raphaël Hytholée, le narrateur de Utopia, nous invite également à une lecture ludique de cette utopie : « Raphaël Hytholée, le philosophe voyageur, par son prénom, "celui qui guérit de la cécité", et par son nom, le "conteur de sornettes » (Miguel Abensour) crédibilise une lecture non dogmatique...

À partir du XVIIe siècle, elle va se renouveler grâce aux voyages imaginaires et autres robinsonnades : elle offre alors (surtout au XVIIIe) un tremplin à la critique sociale (voir le Candide de Voltaire, Les voyages de Gulliver de Swift …), mais rien ne se passe vraiment en Utopie…

Avec au XVIIIe (les Lumières) et au XIXe (la révolution industrielle), domine la croyance en un progrès inéluctable et cela initie de nouveaux récits.

Au XIXe siècle l’utopie prendra alors un caractère futurisant (lieu autre, temps autre) qu’elle n’avait pas aux siècles passés i>Le monde tel qu'il sera de Emile Souvestre - 1846 ; Fourier, Owen, Saint-Simon), mais elle restera une comparaison entre cet ailleurs, souvent souhaitable, et un présent où domine l’aliénation de l’homme (travail, maladie, faim, pauvreté). Deux rêves s’affrontent après les années 1840 : le triomphe d’une société bourgeoise et le triomphe d’une société prolétarienne égalitaire puisque dans la contre-utopie (voir ce mot) l’avenir est sombre ("révolution des dupes" en 1830)…

Aux XXe et XXIe siècles, au lieu de bonheur et d'harmonie universels, l'humanité est montrée comme s’étant fourvoyée dans la guerre, l’obscurantisme et une technologie pour l’asservissement : la dystopie (voir ce mot) prend place dans ces récits où l’avenir est présenté comme invivable par les atrocités que la société génère (c'est encore pire que dans la contre-utopie, mais c'est l'avenir que cette dernière initie !).

En définitive, la dystopie était en germe dans l’utopie.
L’utopie eutopique (voir ce mot) ne laisse pas place à la vie, ni au récit (elle n’a produit aucun chef d’œuvre littéraire !) : c’est un monde plat, à caractère totalitaire, les habitants de l'eutopie ne sont que des figurants, rien ne s’y passe, seul le code compte, tout déviant ne peut-être que banni ; il n’y a pas de place pour une histoire (Histoire), pas d'aventure ; tout élément perturbateur met fin à l'eutopie. C’est donc ici que commence la fiction dystopique : la révolte contre la platitude, l’envie d’avoir des histoires, la connaissance contre l’inconsistance, alimentent la dystopie ! Ainsi naissent deux récits fondateurs : Le meilleur des mondes (1932) d'Aldous Huxley et 1984 (1948) de George Orwell. C’est de ce dernier livre peut-être que s’ancrera un thème récurrent dans les dystopies : la double pensée : il y a une grande différence entre ce qu’on nous dit et ce qui est ; l’information, la communication, notre avenir, l’interprétation de notre passé… sont manipulables et manipulés par d’autres puissances (l’argent, un savant fou, un état voyou, une démocratie véreuse, une domination totalitaire, des extrémismes de tout poil, des forces occultes, des E.T.,…) qui nous gouvernent dans l’ombre (ou même pas) : " je suis paranoïaque mais je dois l’être encore davantage afin d’éviter le pire " (lire : Antoine Belo Les falsificateurs, 2008).

Aujourd'hui, « les utopies ont laissé place à un morne fatalisme » (Patrice Bollon po. cit. Magazine littéraire) : "c'est la crise"...

Les principes du récit des utopies (Eutopies / Dystopies) :

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  • La comparaison (explicite chez Th. More, ou non explicite) de deux réalités : l’une présente (idiotopie), l’autre virtuelle (l'eutopie, récit fictif)
    Dans l’idiotopie le présent est critiqué par comparaison au monde réel ; dans la dystopie le présent du lecteur est préférable au monde virtuel.
  • Un monde lointain dans l’espace ou dans le temps : monde clos, difficile à atteindre
    (souhaitable : eutopie ; ou non : dystopie)
  • Un monde parfaitement organisé, qui ne laisse rien au hasard, ou tout système (politique, social, économique, relationnel…) est analysé comme proche de la perfection fonctionnelle
    (paradisiaque pour l’eutopie, monde atroce dans la dystopie)
  • Un monde où la satisfaction de tout besoin est réalisée (réalisable) ou bannie grâce à l'appareil politique mis en place : il n’y a pas de place pour un héros dans l’eutopie  puisque le bonheur règne dans cet espace perpétuel de rêve (personne ne devrait souhaiter le changer) ;
    dans la dystopie, ce qui aurait pu être un idéal est vite vécu par les personnages comme insupportable : le rêve devient cauchemardesque... La résistance, le conflit et la lutte animent le héros contre l'insoutenable présent.
  • Le récit s’arrête pour laisser la place au didactique : discours argumentatif et informatif à l’adresse du voyageur, étranger à ce monde et qui se renseigne : son action dépendra du modèle découvert...
    - ce monde semble parfait (eutopie : monde libre, éden...) : il ne faut toucher à rien ; juste comprendre et vouloir reproduire ce modèle ;
    - la description de ce monde présente ses seuils et ses failles (dystopie : monde prison, enfer...) : sans action il n’y aurait pas la moindre perspective d’amélioration, il faut de la conscience ("conscience fiction", "conscience anticipante"), il faut décrire et vouloir tout bousculer pour espérer se sortir des "allant de soi" (Voir Pollen J. Wintrebert).

La métaphore du numérique et l'utopie du Web :

Arracher l'utopie au mythe et à la magie : l'utopie pragmatique des réseaux (contre la « catastrophe conservatrice ») au service « du réveil et de la sortie de l'illusion »... (op. cit. Miguel Abensour)
Le Web est un humanisme : il est la mise en réseau des ressources humaines au service de l'humanité.
La science du numérique est démocratique, elle met (potentiellement) tous les savoirs humains à disposition en quelques clics... Il suffit de savoir s'en servir, de choisir les logiciels libres (un progrès qui libère) et de revoir nos interfaces sociales et politiques (les mettre entre parenthèses) afin de les réinventer au service de l'intérêt général : par le réseau, tout député peut savoir ce que veut la vague de ses électeurs, réellement les représenter et non plus représenter l'institution...
Mieux que la "démocratie participative", « il faut débuguer la politique et mettre en place la "démocratie numérique" » ou la démocratie dite "liquide" ! (Parti-Pirate)

Nanotechnologies :

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L'électronique est partout, elle est en passe de devenir une nanoélectronique...
Cette nouvelle technologie qui implique la convergeance entre la physique, la biologie, la chimie et la nanoélectronique est un des thèmes majeurs de la S.F. d'aujourd'hui. Dans une tradition vernienne (dans ses récits, Jules Verne met en scène les nouvelles machines de son temps) la S.F. va explorer l'usage de ces nanomachines dans le monde de demain : sorte de terrain expérimental, où tout possible est exacerbé... (La Proie de Michaël Crichton : un nanoessaim attaque l'homme...)
La nouvelle science peut manipuler la matière, atome par atome, protéine par protéine, on peut assembler des nanoobjets qui ont des capacités mécaniques phénoménales : le projet est alors de transformer l'homme, d'augmenter ses capacités... d'agir sur la société.
Quels secteurs d'activité peuvent être concernés dans les fictions qui parlent d'un "futur bionique" ?
- médecine : le nanomédicament qui cible son secteur d'activité (soigner / tuer)
biotechnique et microélectronique afin de connecter des neurones à des micromoteurs (prothèses / armes)
- technologie : effet "lotus" une surface ne peut être ni mouillée ni salie (vêtements, verre / défoliant)
- militaire /sportif : nanodrogues pour augmenter les performences humaines (vision, force, rapidité / efficacité, invincibilité à..., immortalité)
- génétique : diagnostiquer et agir sur le rôle de chaque protéine (amélioration, eugénisme / spécification, clonage)
- communication : la nanocaméra qui peut tout observer (information, protection / manipulation, délation)
- agriculture : OGM pour résister à des prédateurs (nourriture / dépendance)
- informatique : la machine se perfectionne et se reproduit elle-même (productivité / invasion).

Puisque l'impact à long terme de ces "nanosystèmes" sur notre réalité est très difficile à cerner, la littérature, par la S.F., devient un terrain d'exploration : par des récits attrayants (rarement simplistes) elle nous permet de nous interroger sur le monde qui se met en place et sur notre motivation à le voir se réaliser (...presque une définition de l'apologue !).

Repères pour la S.F. :

(voir le vocabulaire d'analyse)

La terminologie "Science-Fiction" est récente : elle apparaît sous la plume de H. Gernsback en 1926 dans le premier numéro d'un magazine intitulé Amazing Stories (USA). Ce néologisme, pour être compréhensible auprès des lecteurs de la revue, fait explicitement référence à des auteurs qu'ils connaissent bien  : Edgar Allan Poe, Jules Verne et H.G. Wells. La littérature de S.F. se différencie alors de ce que sont les voyages extraordinaires (Cyrano de Bergerac), les robinsonnades ou les utopies... " La SF naît d'une rencontre entre l'imaginaire purement ludique et les avancées de la pensée scientifique" (R. Bozetto) et elle privilégie le récit plutôt que le discours.

Parcours de lecture  ?

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  • Cyrano de Bergerac États et Empires de la Lune (1657)
  • Jules Verne Vingt mille lieues sous les mers (1869)
  • H.G. Wells La Machine à explorer le temps (1895) - la Guerre des mondes (1897).
  • René Barjavel Le Voyageur imprudent (1944)
  • George Orwell 1984 (1948)
  • Isaac Asimov Fondation (1951, en l'an 12065 sur Trantor)
  • Philipp K. Dick Blade Runner (1951)
  • Ray Bradbury Fahrenheit 451 (1953)
  • Philipp K. Dick Simulacres (1964)
  • Frank Herbert Cycle de Dune (1965)
  • Silverberg Les monades urbaines (nouvelles, 1971)
  • Elisabeth Vonarburg L'oeil de la nuit (nouvelles, 1980)
  • Joëlle Wintrebert Les olympiades truquées (1981)
  • Jean Michel Truong reproduction interdite (1989, à Strasbourg en 2037, révolte de clones...)
  • Michaël Crichton La Proie (2002), Jurassic Park (1990)
  • Joëlle Wintrebert Pollen (2002)
  • Serge Brussolo Ce qui mordait le ciel (2003)
  • Antoine Bello, Les Falsificateurs (éd. Folio 2008)
  • Cormac McCarthy La route (Point, 2009... et le film)

Bibliographie :

- Magazine littéraire n° 521 (juillet/août 2012 p.8) "Quelles utopies pour aujourd'hui ?"
- Philosophie magazine n° 45 (décembre2010/janvier2011 - p. 69) : "Utopie mode d'emploi"
- Roger Bozetto, écrits sur la Science-Fiction (2001)
- Roger Bozetto, " La subversion du discours utopique " in discours et utopie (colloque, 1987)
- R. Trousson, " Utopie et roman " in Candide, Textes et contextes (Magnard, 1991)
- Yves Breton, 1984 une dystopie de la communication
- Collection H. Mitterand Littérature XXe siècle Nathan " La Science-fiction "
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