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Objet d'étude :
Un Mouvement littéraire et culturel européen
(du XVIe au XVIIIe)

Problématique : Du libertinage à la philosophie, comment promouvoir une liberté de penser ?




Ce que vous devez savoir :
Le XVIIIe siècle et "les Lumières".

Deux orientations attribuées au siècle des Lumières marquent le XVIIIe siècle littéraire : l'esprit critique de la philosophie et l'expression de la sensibilité annonciatrice du XIXe siècle.

Contexte : la philosophie des Lumières.

Même si le XVIIIe est moins riche en "grands philosophes" que le XVIIe (les rationalistes, précurseurs des Lumières : Descartes, Spinoza, Locke), le débat s'y fait combat. Aussi la littérature du XVIIIe rendra compte de ces luttes et cela sous des formes très diverses.
Le féminisme : ou l'expression du combat des femmes pour se faire reconnaître au même titre que les hommes.
Quelques femmes de lettres (Mme de Graffigny, Mme du Boccage, Mme d'Épinay, Mme du Châtelet, Mme Thiroux d'Arconville, Mme de la Brière ("Reine Lepaute")...
"Deux siècles de misogynie inconsciente ont effacé, sinon les traces, du moins la juste place" de ces femmes dans le paysage intellectuel du XVIIIe. (Élisabeth Badinter)
Les Lumières (aufklärung en Allemagne) : caractérisées par la croyance au progrès humain, la foi dans la raison, une méfiance à l'égard de tout ce qui soumet l'homme (la religion, l'état, le roi, la tradition, les préjugés et ce qu'on appellerait aujourd'hui "la pensée unique"…) : il faut construire sa propre pensée et être sa propre liberté contre les idées reçues.
Mots clef : raison, rationalisme, tolérance, progrès, relativisme…

Le règne de la raison : la métaphore des Lumières (déjà utilisée au XVIIIe).

     Est philosophe "celui qui fait un usage critique et méthodique de sa raison aux dépends des préjugés" (Diderot).
     Au principe d'autorité de droit se substitue la croyance dans la relativité et dans le progrès.
     Les voyages (notamment en Amérique, en Orient mais aussi en Europe (Bougainville, Lapérouse, Cook, Rousseau) font découvrir la relativité des religions, des cultures et des mœurs au détriment d'une vision ethnocentrique du monde (XVIIe). Ainsi, les comptes-rendus de voyage bousculent les certitudes révélées, sans fondement rationnel et valorisent l'observation et l'examen critique : la remise en cause des dogmes, traditions et croyances marque fondamentalement le XVIIIe siècle.
     Le philosophe se donne pour mission de "révéler", "de mettre en lumière". Cette lumière est l'image du savoir et de la connaissance qui va lutter contre l'obscurantisme (ignorance, préjugés, fanatisme, superstitions). L'avancée des sciences et la diffusion des idées (vérité et liberté) doivent servir l'homme en lui assurant un plus grand bonheur. L'Encyclopédie (de 1751 à 1772), dirigée par Diderot, en est un témoignage didactique exemplaire : elle montre l'accélération de la diffusion des idées et le renouvellement des formes de pensée.
     Pour cela les philosophes se donnent les moyens de prendre pour cible le pouvoir absolu, la religion (anticléricalisme vif) et les inégalités sociales (voir Montesquieu dans Les lettres persanes ou Voltaire dans L'ingénu et Candide). Ils inventent des formes nouvelles pour faire circuler, voire "mettre en scène", les idées philosophiques de ce siècle. Ainsi leur combat prend des formes variées, plus ou moins directes (la lettre philosophique ou le pamphlet), plus ou moins fictives (les contes, l'apologue, le roman, les dialogues philosophiques - Diderot le supplément au voyage de Bougainville en 1772 -, les dictionnaires, les essais - Rousseau Discours sur l'origine de l'inégalité en 1755). Et tous les lieux sont bons pour faire circuler ces idées : la presse (900 titres), les cafés (le Café Procope), les salons (de mesdames du Deffand, de Lespinasse...), les académies, les clubs, les loges maçonniques.
     Mais le règne de la raison ne doit pas occulter l'importance donnée aux sentiments.

Le règne de la sensibilité : du bonheur au plaisir, du luxe à la frivolité, de la jouissance au libertinage...

     En parallèle au rationalisme stricte des "Lumières", se développe une théorie sensualiste avec Condillac (Traité des sensations en 1754) qui affirme que "l’élément primitif de toutes nos connaissances est la sensation". Ainsi le corps est réhabilité : l'homme idéal est un sujet sensible dont la réflexion se nourrit des expériences sensibles. S'opposant à l'esthétique du XVIIe siècle (qui repose sur les notions d'objectivité, d'équilibre et d'ordre), la littérature du XVIIIe donne une place importante à la subjectivité, à l'émotion, à l'amour, à l'autre, au sentiment de la nature.... Montesquieu, Diderot, Rousseau, Voltaire dans ses récits d'apprentissage (Candide, l'Ingénu ou Zadig...), racontent cet éveil de la sensibilité : l'homme s'ouvre à l'autre, au monde qui l'entoure, les découvre et y vit ses malheurs et ses bonheurs.
     À travers l'idée du progrès, les philosophes promeuvent l'idée du bonheur, du goût pour le bien-être, du raffinement et du luxe, voire d'une frivolité certaine : ils mêlent aisément bonheur et plaisirs, ils habilitent un libertinage des sens (monde de la galanterie voluptueuse, sensuelle ou perverse : Choderlos de Laclos Les liaisons dangereuses en 1782, Sade Histoire de Juliette ou les Prospérités du vice en 1797, par exemple).

Le renouvellement des genres et le débat d'idées

     Les genres s'adaptent au goût de la bourgeoisie, qui constitue la classe montante depuis 1750.
     Au théâtre, on abandonne la tragédie au profit de la comédie (Marivaux, Diderot, Beaumarchais), dont le cadre est lui-même bourgeois. Diderot (Le Père de famille en 1761) essaie de promouvoir le drame bourgeois ou "drame sérieux", mélange de comédie et de tragédie qui met en scène la vertu et le triomphe du bonheur sur les contraintes sociales..
     La sensibilité frémissante qui touche ce siècle n'atteint pas encore la poésie : elle est encore coincée par la préciosité. Rousseau l'introduira dans sa prose, Chénier n'est pas connu de ses contemporains, Diderot prophétise son renouveau...
     Quant au conte philosophique, il n'est pas le seul instrument de la critique philosophique : Diderot, par exemple, excellera dans l'écriture de "dialogues philosophiques" dans Le Supplément au Voyage de Bougainville (1772) ou le Neveu de Rameau (commencé en1761). Le conte philosophique relève bien d'une démarche commune avec le dialogue philosophique : un apologue. Il s'agit de séduire le lecteur, de l'amuser, de lui proposer une sérieuse démarche de réflexion tout en évitant la lourdeur du traité ou de l'essai philosophiques. De plus, cette démarche s'inscrit bien dans le cadre des "salons mondains" ouverts à l'autre, à un interlocuteur tolérant et capable intellectuellement de réagir. Le conte voltairien (relire Candide ou L’Ingénu) permet l’émergence de la parole libre, à la fois ludique et profonde, comme le débat d’idées. L'enchaînement rapide des épisodes, la présence d'un narrateur ironique, le discours par des "voix narratives" diverses... ont précisément pour but de donner l’illusion (ou donner envie...) de l'échange spontané propre à la conversation.
     Le roman lui aussi évolue. Véhicule de la critique sociale et/ou, sur les modèles anglais (le "roman sensible"), but en soi (Diderot Jacques le fataliste et son maître en 1777), le roman illustre les préoccupations de la bourgeoisie, plus soucieuse d'ascension sociale que de philosophie. Mais, l'imagination et la subjectivité revendiquent leurs droits dans cette seconde moitié du siècle : le roman donne une large place aux sentiments avec Rousseau (La nouvelle Héloïse en 1761) ou Bernardin de Saint-Pierre (Paul et Virginie en 1788).

Un mouvement européen.

Qu'est-ce que les Lumières ? (Texte de Kant)

     "Les Lumières, c'est la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable. L'état de tutelle est l'incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d'un autre. On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières.
     Paresse et lâcheté sont les causes qui font qu'un si grand nombre d'hommes, après que la nature les eut affranchis depuis longtemps d'une conduite étrangère (naturaliter maiorennes), restent cependant volontiers toute leur vie dans un état de tutelle ; et qui font qu'il est si facile à d'autres de se poser comme leurs tuteurs. Il est si commode d'être sous tutelle. Si j'ai un livre qui a de l'entendement à ma place, un directeur de conscience qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à ma place de mon régime alimentaire etc., je n'ai alors pas moi-même à fournir d'efforts. [...]
     II est donc difficile à chaque homme pris individuellement de s'arracher à l'état de tutelle devenu pour ainsi dire une nature. II y a même pris goût et il est pour le moment vraiment dans l'incapacité de se servir de son propre entendement parce qu'on ne l'a jamais laissé s'y essayer. Les préceptes et les formules, ces instruments mécaniques d'un usage raisonnable ou plutôt d'un mauvais usage de ses dons naturels, sont les entraves d'un état de tutelle permanent.
"

Emmanuel KANT, Qu'est-ce que les Lumières ? (décembre 1784),
article paru dans le périodique Berlinische Monatsschrift (traduction J.-F. Poirier et F. Proust).


     On voit donc que la métaphore des "Lumières" était déjà utilisée au XVIIIe siècle par les artisans même de ce mouvement européen. Parler du "Siècle des Lumières" c'est faire référence aux savants et aux philosophes qui veulent lutter contre "l'état de tutelle" et donc, développer l'esprit critique et l'autonomie des hommes par l'exercice de la raison : "Aie le courage de te servir de ton propre entendement !". Kant (dans ce même article) fustige cette obéissance aux tutelles qui nous ordonne de ne pas raisonner :"L'officier dit : ne raisonnez pas mais faites des manœuvres ! Le conseiller au département du fisc dit : ne raisonnez pas mais payez ! Le prêtre dit : ne raisonnez pas mais croyez !". Ainsi ce mouvement philosophique suscitera de profondes transformations politiques, sociales et culturelles : il initiera nos sociétés modernes à la lutte "contre les ténèbres" de l'obscurantisme politique et religieux des anciens régimes ; les "Lumières" se disent "Enlightenment" en Angleterre, "Aufklärung" en Allemagne et "Illuminismo" en Italie.
     À leur apogée (entre 1745 et 1780) les Lumières en France prennent leur éclat autour des figures les plus célèbres : Montesquieu (1689-1755), Voltaire (1694-1778), Rousseau (1712-1778) et Diderot (1713-1784) :

  • Montesquieu, les Lettres persanes (1721) : "C'est avec les Lettres persanes que commence le siècle des Lumières." (in préface de P. Malandain, éd. Pocket Classiques). Montesquieu innove sur trois points :
    - il écrit un roman épistolaire (roman par lettres fictives) à portée philosophique.
    - il invente le roman épistolaire polyphonique (structure savante de lettres datées) : l'autre (l'étranger, le sauvage) porte un regard critique sur la société qui l'entoure.
    - cette satire par le romanesque et sa polyphonie (idéologique et stylistique) se double du registre humoristique que l'on retrouvera dans nombre de contes philosophiques.
  • Voltaire, (1694-1778) Zadig ou la Destinée (1747), Candide (1761), L'ingénu (1767) :
    il est le maître incontesté du "conte philosophique" :
    - il conserve du conte traditionnel le merveilleux, la richesse des péripéties, les personnages fonctionnels, la portée initiatique (sorte de "roman d'apprentissage) pour les protagonistes du récit 
    - il y ajoute la visée argumentative, critique et morale de l'apologue philosophique.
    Dramaturge, polémiste, historien, journaliste français. Il expose moins une philosophie personnelle que la pensée des philosphes de son siècle : il demeure néanmoins un moraliste humaniste qui se méfie de tout dogmatisme (fatalisme, humanisme)
  • Diderot, (1713-1784) Supplément au voyage de Bougainville (vers 1773) : par cette utopie tahitienne, l’auteur remet en cause le lien entre moralité chrétienne et relations sexuelles (voir le sous titre) : le dialogue entre A et B évoque la sexualité libre et heureuse des "sauvages tahitiens" et cet accord possible entre les lois et la nature. Diderot affirme que ce sont les mauvaises législations qui créent les mauvaises mœurs. Le conte philosophique Thérèse philosophe (1748), longtemps attribué à Diderot, illustre ce même parti pris.
    Philosophe, encyclopédiste, dramaturge, conteur, romancier, traducteur, pamphlétaire, critique d'art français. Toute son œuvre est celle d'un philosophe soucieux de définir la nature de l'homme, sa place dans le monde et de fonder une morale positive en se méfiant de tout dogmatisme. (scepticisme, matérialisme, relativisme, humanisme, annonce le positivisme d'A. Comte).
  • Rousseau, (1712-1778) Du contrat social (1762), Considérations sur le gouvernement de Pologne (1782) :
  • Rousseau, dans ses Considérations sur le gouvernement de Pologne, "fait preuve du souci concret de contribuer à la réforme du gouvernement polonais ; ce souci se manifeste en particulier dans les pages consacrées à l’élection du roi, au système fiscal (l’impôt doit être proportionnel aux possessions et " revenus "), au service militaire que tout citoyen doit assurer, s’il est vrai que dans un pays libre tout homme est aussi soldat : une armée de métier ne peut avoir l’amour de la patrie. Toutes ces mesures appliquées au cas de la Pologne restent inspirées par l’esprit du Contrat social." (M Crampe-Casnabet, Dictionnaire des œuvres Littéraires Françaises)
    Philosophe, romancier français "Tout est bien sortant des mains de l'Auteur de toutes choses, tout dégénère entre les mains de l'homme". Mieux encore que Montesquieu ou Voltaire il défend (Le Contrat social, 1762) la liberté et l'instauration de l'égalité entre les hommes : ses écrits inspireront la déclaration des droits de l'homme et la philosophie politique à venir (providentialisme, romantisme philosophique).

Les Liaisons dangereuses (Laclos, 1782)

Dans la tradition du roman épistolaire, de ses mises en abymes et de ses "effets de réel" : Guilleragues Les Lettres portugaises (1669), Montesquieu Les Lettres persanes (1721), Marivaux La Vie de Marianne (1742), Mme de Graffigny Les Lettres d'une péruvienne (1747), Jean-Jacques Rousseau Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761)...

Le libertin au XVIIe siècle est d'abord celui qui s'oppose à la pensée imposée par les pouvoirs en place  il proclame le droit à la liberté religieuse, intellectuelle et morale (sans pour autant perdre les droits de sa classe).

Si le XVIIe siècle est, dans l’ensemble de l’Europe, une époque de restauration des valeurs traditionnelles dans le domaine de la morale et de la religion, contre ce retour à l'ordre, se développe (en Italie et en Angleterre) un courant philosophique et littéraire qui revendique l’indépendance de la pensée hors des dogmes et une critique des religions positives : ce sont les libertins (La Mothe Le Vayer, Théophile de Viau, Gassendi, Cyrano de Bergerac...).
Ce terme de "libertin", dès le XVIIe et dès lors injurieux, confond à la fois de jeunes nobles débauchés, catholiques ou protestants, toujours provocateurs (le Don Juan de Molière en est une illustration précise) et de philosophe " honnête homme", élitiste, élégant, sceptique mais discret dont le souci est la liberté philosophique (leur devise "Intus ut libet, foris ut moris est" : libre en sa conscience, conforme en apparence). Ces libertins ne revendiquent pas tant la liberté politique qu'une liberté de conscience et un "sage déisme", réservées à une élite cultivée (source : le matérialisme italien) ; ils incarnent le "libertinage érudit" loin du libertinage de moeurs.

Le libertin du XVIIIe siècle reprend l'héritage libérateur des libertins du siècle précédent :
- le refus des dogmes et des superstitions,
- le culte de la libre pensée et le respect de la valeur de la personne en tant que conscience intellectuelle et morale.
Après la mort de Louis XIV, entre 1715 et 1723, la régence (de Philippe d'Orléans) balaie l'austérité passée au profit de la débauche d'état (exemple la duchesse de Berry, fille et amante du régent).
Ainsi, le Dictionnaire de l'Académie (1762) définit le libertin comme celui "qui aime trop sa liberté et l'indépendance, qui se dispense aisément de ses devoirs".
Avec la venue au pouvoir de Louis XVI (1774), la morale patriarcale et pastorale s'installe. Le libertin joue les tartuffes, le masque de l'hypocrisie recouvre la licence des mœurs, la frivolité ou liberté de comportement. Le libertinage s'intellectualise.
Jusqu'à Sade, le goût immodéré des plaisirs charnels, la quête obsessionnelle du plaisir se racontent dans une production romanesque (et picturale : Watteau, fragonard)riche qui développe ainsi une sorte de théorie du ''libertinage mondain'' (des centaines de romans, signés Diderot, Duclos, Choderlos de Laclos, Crébillon fils, D'Argens, G. de la Touche,Voltaire... Sade)
Le libertinage redevient scandaleux avec Donatien Alphonse François, marquis de Sade et son érotisme de la violence et de la cruauté (1791 Justine ou les Malheurs de la vertu)...

Jacques le Fataliste et son Maître

Un nouveau genre ou un antiroman ? Un conte philosophique sur le relativisme ?

La critique contemporaine voit en Jacques le Fataliste et son maître l'illustration d'un nouveau genre : la littérature itinérante où se confondent un voyage, des aventures singulières, les conversations qui accompagnent ce voyage et les commentaires critiques formulés par l'auteur lui-même.

On peut encore y voir l'illustration de ce que l'on appelle l'antiroman  : Diderot, parodiant les contradictions du romanesque, refusant au lecteur ce pacte de confiance entre le lecteur et le narrateur qui construit l'illusion romanesque, bâtit le procès du romanesque (achronie, fin plurielle...)

Cependant, les descriptions ou les portraits ne manquent pas (références à Van Loo, Greuze ou Boucher qu'il n'aime guère) quand le narrateur daigne nous les brosser (il nous évite la description de la bataille de Fontenoy !) ; et si la lecture ne peut se satisfaire dans la linéarité, elle trouve une série d'apologues (les apprentissages), une approche critique de la philosophie déterministe (Jacques et son capitaine), une peinture de la société (Mme de la Pommeraye), un art du dialogue… des illustrations de l'inconséquence du jugement public

En complément :

Relativité et relativisme philosophiques : rien n'est absolument vrai et tout dépend de l'individualité ou du point de vue sous lequel on se place : rien n'est vrai sinon par rapport à nous et notre culture ("l'homme est la mesure de toute chose" dit Protagoras dans l'antiquité). Au siècle des Lumières le relativisme engendre le scepticisme, l'anticonformisme, la tolérance.
Dans Jacques le Fataliste et son maître (Diderot) le relativisme est lisible dans les jugements contradictoires apporté par l'auteur / narrateur (par exemple le portrait de Mme de la Pommeraye) et l'écriture dialoguée qui donne ces éclairages nuancés.

Fatalisme : attitude philosophique qui considère que tous événements sont fixés à l'avance selon une loi, un destin inéluctable ("tout est écrit là-haut" ne cesse de démontrer Jacques le fataliste). Toutes les théories chrétiennes de la prédestination sacrifient l'idée de liberté humaine au profit de la Providence (le providentialisme affirme que Dieu gouverne sa création selon ses sages desseins).
Dans Jacques le Fataliste et son maître, Diderot marque son opposition au fatalisme de Jacques et au providentialisme en proposant (par exemple) trois fins possibles à son conte philosophique : tout n'est pas décidé à l'avance (…si ce n'est ces seuls choix !) la forme narrative est libre, plus encore que dans le Candide de Voltaire. Jacques le fataliste un anti-Candide ?

Le déterminisme est à la science ("les mêmes causes produisent les mêmes effets") ce que le providentialisme est à la religion (Dieu maintient un ordre immuable et constant, panthéisme). La notion de hasard (et d'indéterminisme) est là pour dire notre incapacité à lire les règles préexistantes qui régissent notre réalité.

Spinoza (1632-1677) : philosophe panthéiste (Dieu est la force vitale immanente au monde) hollandais. Sa doctrine affirme le salut de l'homme dans l'exploration de l'âme humaine, partie de l'entendement divin. (rationalisme, cartésianisme)

Locke (1632-1704) : philosophe, physicien, juriste anglais.). Toutes nos connaissances et les principes même de notre esprit résultent de l'expérience sensible et des habitudes (sensualisme, tolérance, relativisme, société libérale).

Condorcet (1643-1794) : philosophe, mathématicien, homme politique français. Au sentiment religieux traditionnel il substitue une croyance au progrès de l'humanité tout au long de son histoire (esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain). (annonce le positivisme d'A. Comte, eugénisme)

Leibniz (1646-1716) : philosophe, mathématicien, homme politique allemand. Dans sa théodicée (Essais de théodicée, 1710) il tente de concilier l'image d'un Dieu parfait (bonté infinie, Dieu innocent) avec un monde imparfait par la nécessité de la liberté humaine : le mal n'est qu'apparent (Dieu ne peut-être despotique) ; "tout n'est pas bien mais le Tout est bien" écrira en ce sens Rousseau. Philosophie optimiste caricaturée par le Candide de Voltaire. (théodicée, providentialisme)

Bibliographie :

Fayard : Les passions intellectuelles II, Élisabeth Badinter.
Nathan : Littérature textes et documents, collection Mitterand, XVIIIe siècle
Belin : Anthologie textes et parcours
Bordas : Dictionnaire des Oeuvres Littéraires Françaises (DOLF)
Hatier : Profil 2003 Bac littérature
Phosphore : n° 236 fiche VII

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